Sexualité et transhumanisme

Note en réponse à une question de Mireille Boris, 9/3/2013

Dans un texte fondamental de la mouvance, The singularity is near, de Kurzweil, ni gay ni homosexual ni lesbian ne figurent dans l’index. Il y pas mal de citations de sex (sexual activity), mais plutôt sous l’angle de la séparation du plaisir et de la reproduction.
Une autre figure importante est Dona Haraway (Cyborg manifesto). Je pense qu’elle serait plutôt pour la parthénogénèse qu’autre chose. Il n’est pas exclu qu’elle ait une tendance lesbienne, mais ce n’est pas clair.

Mes conjectures (pas mes convictions) personnelles sur l’avenir :

1. La logique de la dissociation, conduit à une séparation de plus en plus grande des différentes fonctions. D’abord la construction génome, puis les phases successives de la gestion, puis la naissance et l’éducation. La différenciation sexuelle intervient dans toutes les phases.

2. Cette logique pourrait très bien être compatible avec une persistance sinon un retour au processus traditionnel, un peu plus encadré quand même grâce aux technologies. Un peu comme, par exemple, on voit un certain retour de l’accouchement à domicile, quand il n’y a pas à craindre de problème particulier, et de toutes façons avec un dispositif de secours en cas de problème. (Et presque toutes les femmes de mon entourage en ont eu pendant ou peu après l’accouchement).

3. Je verrais plutôt une grande persité de processus, adaptés aux goûts, aux choix idéologiques et aux problèmes particuliers de chaque personne. Avec deux extrêmes :
- une très forte dissociation, éventuellement une automatisation totale sans aucune intervention physique des participants. Si l’on va loin dans ce sens, on n’aura même pas besoin de sperme et d’ovules, puisqu’on peut récupérer les codes ADN à partir de presque n’importe quelle cellule du corps ; puis une éducation fournie très largement indépendamment des géniteurs.
- une persistance marquée, voire majoritaire, des méthodes traditionnelles avec des couples hétérosexuels stables et élevant leurs enfants dans une cellule familiale traditionnelle ; mais on pourrait aller encore plus loin dans les méthodes traditionnelles, avec des ménages arrangés par les parents, ou des enfants élevés par le village pris globalement beaucoup plus que par les deux géniteurs.

4. Dans cette optique, les ménages homosexuels ou des groupes plus importants (trois, quatre... une communauté comme en 68), pourquoi pas.
Les débats actuels sur le "mariage pour tous" ne sont qu'une anecdote dans un vaste développement historique. Ils sont méritoires, et leurs militants méritent le respect voire l'admiration tant qu'ils ne sont pas la simple transposition de dogmatismes idéologiques ou religieux étrangers à la vraie question : le respect des personnes, y compris les enfants.

5. Dans tous les cas de figure (là c’est un choix éthique/juridique plus qu’une conjecture), il faudrait que toutes les parties intéressées soient équitablement représentées dans les décisions. En particulier, l’enfant n’est pas propriété de sa mère et elle ne devrait en aucun cas pouvoir décider seule d’un avortement, ni d’ailleurs d’une procréation. Cela supposerait la mise en place de protocoles décisionnels qu’on est assez loin aujourd’hui de voir se préparer aujourd’hui. Le problème pour moi est ici assez symétrique de l’euthanasie.

6. Dans le cas particulier de la construction du code génétique, je pense que la méthode actuelle, hautement aléatoire, n’est pas vraiment humaine, mais simplement héritée du monde animal. Reste quand même à prouver que la construction volontariste d'un génome n'est pas pire que la sélection naturelle des bovins ou des poissons.

7. Il me semble que tout individu devrait avoir le droit de connaître l'identité de ses géniteurs. Mais :
- il y a quand même des cas où l'accouchement sous X est préférable à un avortement ;
- plus on ira vers des processus avancés de construction génétique, plus ces informations seront complexes ;
- même la revendication actuelle de connaître son père et sa mère a quelque chose de bien partiel ; pourquoi n'aurait-on pas le droit de connaître TOUS ses ancêtres ? en tous cas, l'hérédité venant d'un grand-père voire d'une arrière grand-mère peut avoir en fait beaucoup plus d'importance (lois de Mendel).

Tout cela prendra nécessairement beaucoup de temps à se mettre en place, et de toutes façons les technologies n’offrent encore que des choix limités. La gestion complète hors d’un utérus humain est encore loin de nous, même si l’on peut de plus en plus le réduire au début (mis en place de l’embryon dans l’utérus) qu’a la fin (accouchements possibles de plus en plus avant terme).

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"Traditionalists" are considerit the family system as static, from Adam and Eve (and beyond them, the superior animals) to us. Father, mother, some children. Large families blessed.
"Progressists" like me see the system as evolving, and solutions to be found for the future.
That connects with my views on mankind.