5. Dynamique

Après avoir étudié les invariants d'un système, leur structure "fixe", étudions les évolutions des systèmes dans le temps. Poser des principes ici, c'est admettre qu'il y a des invariants plus vastes que le système ou, si l'on veut, que le système est immergé dans un système plus vaste, dans lequel les évolutions ne se font pas au hasard.

Mais, ou bien on construit des systèmes englobants de plus en plus complexes... dont chacun doit être englobé par un système plus complexe (principe de Gödel), ou bien on admet que l'on entre progressivement dans des domaines de moins en moins formalisés, où les validations sont de plus en plus intuitives, informelles, et on admet qu'en fait "le monde n'est pas vraiment un système".

De même que pour les structures nous avons distingué de concepts (avec leur définition) et des principes, ici nous pouvons distinguer une cinématique (catalogue des types de mouvements, non quantifiés, avec essentiellement ceux qui sont rendus possibles ou non par la structure) et une dynamique, ensemble de principes régissant les tendances, les orientations générales de l'évolution des systèmes.

5.1 Cinématique et typologie des mouvements

Toute la cinématique de la mécanique classique peut bien sûr être utilisée par la systémique. Mais il y a des "mouvements" spécifiques aux systèmes, que nous allons classer en trois niveaux par rapport au "fonctionnement normal" du système et des processeurs

Cette classification est une sorte de hiérarchie des dynamiques. Elle pourrait aussi s'étudier quantitativement. Il s'agit un peu d'une décomposition en série de Fourier des processus systémiques.

5.1.1 Petits mouvements autour de la stabilité

Ne serait-ce qu'en raison de l'agitation moléculaire ou de la frivolité de notre pensée, les processeurs sont en permanence le lieu de petits mouvements erratiques, qui ne mettent pas en cause la structure du système ni son fonctionnement: petites dilations, parasites sans conséquence, etc.

Pour qu'ils soient sans conséquence il faut que ces petits mouvements s'annulent, et ne s'additionnent pas pour créer une "tendance". On peut donc postuler une fonction, en général implicite, de régulation qui fait toujours retomber la structure dans son "bassin d'attraction" (Thom). Il faut aussi que les mouvement soient d'une amplitude sensiblement inférieure à celle du fonctionnement de la structure.

Dans la mesure où ils interviennent entre processeurs et où il faut les annuler, ces petits mouvements pourront être absorbés par les processeurs "tampons" (buffers).

Si les petits mouvements ne sont pas compensés, on peut avoir dérive, ou vieillissement.

La stabilité peut être acquise par des procédés très simples (inertie) ou grâce à des processeurs très sophistiqués (régulation). elle a donné lieu, ces dernières années, à des réflexions de haute volée (Thom, Prigogine). Le Moigne note que le concept de stabilité a quelque chose de subjectif: l'objet est stable ou non par rapport à des finalités. Parabole: je ne me baigne jamais dans le même fleuve, mais quelle importance pour le plaisir de la baignade ?

La cybernétique traditionnelle, assimilée par la dynamique des systèmes, a considérablement approfondi les problèmes de régulation.

La stabilité peut être statique (exemple apparemment paradoxal, l'ancrage dynamique d'un navire), ou dynamique: on se stabilise sur une trajectoire. Cas hyperclassique du navire toujours ramené sur son cap.

La trajectoire peut prendre une signification complexe. Exemple: trajectoire de croissance d'un organisme, bien connue par la "courbe de poids" d'un bébé.

5.1.2 Mouvements spécifiques du fonctionnement

D'une ampleur, d'une amplitude plus grande, d'une détermination que l'on souhaite la mieux assurée possible, les mouvements de fonctionnement des processeurs, et du système dans son ensemble.

Pour que le système reste égal à lui-même, que sa structure ne change pas, il faut ici encore admettre que l'on revient au point de départ, après un cycle, qui peut avoir des caractères bien différents selon les processeurs:

- parcours plus ou moins indéterminé dans un espace d'états bien connu, les déplacements étant déterminés par le flux ou les produits processés ou par des commandes "externes", sous la seule contrainte de rester dans l'espace d'états,

- séquence bien définie d'états, de positions successives (programme),

- séquence déterminée temporellement, démarrant sur commande ou sur information venant d'un capteur, et se déroulant jusqu'à sa conclusion (lave-vaisselle),

- cycle: séquence reprise dès que l'on revient au point de départ, tant que l'on n'arrête pas la machine ou qu'elle n'est pas à court d'énergie (c'est à mon avis le propre de l'automate ; deux exemples limites: volant d'inertie ou oscillateur à quartz, l'un binaire l'autre circulaire). La longueur du cycle peut prendre le nom de "période". On peut définir une fréquence, oucycle de base (par exemple, un microprocesseur à 10 MHz-.

Il y a en général des hiérarchies de cycles. Le cycle de fonctionnement d'un processeur s'insère entre des cycles plus courts (par exemple, la vitesse de rotation de ses moteurs) et des cycles plus longs (par exemple le rythme journalier d'emploi de la machine dans son ensemble).

Pour que le processeur fonctionne bien, pour qu'on puisse clairement le distinguer, il faut que son cycle soit nettement séparé des cycles plus longs ou plus courts, sinon on a des phénomènes de résonance, des battement. D'une manière générale, les cycles de niveau haut de la hiérarchie englobent les cycles de niveau plus bas.

En particulier, les produits ou flux processés²doivent être soit suffisamment réguliers pour pouvoir²être considérés comme continus (par exemple, un "son²continu") soit en phase avec le processeur: on traite²une pièce à chaque cycle (cas des plus fréquents, bien sûr).

Les relations avec les autres processeurs doivent²répondre à la même règle. Eventuellement, il peut y avoir des rapports entiers, ou des tampons (stocks intermédiaires). Il peut y avoir des mouvements et des cycles dans la connexion même des processeurs.

Phénomènes oscillatoires

Utiles le plus souvent (modulation) parfois²mauvais (accrochage, Larsen).

Exploitables: série de Fourier, moulin à vagues et²à marées, transport d'énergie par ondes, et toutes la²transmissions.

Jeu des fréquences et cycles. Conversions.

Redressement.

5.1.3 Evolutions structurelles

Au delà, il y les changements qui affectent la structure même du processeur, ou du système tout entier. On passe du "flux d'activité" au flux de structure.

Ces évolutions peuvent être d'allure continue, analogique (morphogenèse de Thom, mais sa théorie est à la jonction de l'analogique et du digital), ou "digitale".

En effet, le schéma même que nous avons choisi pour nos systèmes ouvrent la voie à une typologie d'évolutions fondamentales. Bruter distingueessentiellement: fuite, capture, destruction. Il me semble qu'on peut être plus méthodique. Il peut y avoir:

- apparition d'un nouveau processeur, soit "à partir de rien" (émergence), ou d'un fonds plus ou moins vague, de l'environnement, soit par division d'un processeur existant (division cellulaire),

- ajout d'un filtre, extracteur, alerteur, stock ou délai,

- ajout d'une nouvelle couche dans la hiérarchie,

- ajout d'un diffuseur/concentrateur/multiplexeur, (travaux de Castellani tome 0)

- disparition d'un processeur: disparition complète (mort, destruction) ou assimilation par un²autre (capture, greffe, fusion),

- création d'une nouvelle liaison entre des processeurs existant (forme plus bénigne de la capture), ou suppression d'une liaison (fuite, abandon, rupture), passerelle, court-circuit, diffusion multiple

Nota, dans le cas d'un filtre, on voit que²l'existence d'une relation n'est pas forcément binaire,mais a ses limites, sa bande passante. En respectant le principe formel de neutralisation, tout cela devra être décrit dans des processeurs à un bout ou aux deux bouts de la relation. Dans cette optique une "ligne de communication" sera, à un certain niveau de détail, l'ensemble de la relation et de ses deux processeurs d'extrémité

Ces mouvements ont du sens pour des processeurs concrets. Dans la théorie prise abstraitement, un processeur plus un processeur égale un processeur...

En général, ces évolutions suivent des procédures qui prennent un certain temps, respectent des dynamiques parfois très complexes (protocoles de²communication ou de login/logout, division cellulaire, formation d'un ménage), avec des phases de préparation et de stabilisation. Notamment, après la division, la "résorption des pédoncules", valable aussi en biologie (disparition du cordon ombilical) qu'en politique (Machiavel: le prince doit se débarasser des complices qui l'ont aidé à prendre le pouvoir).

Le "cycle de la vie" relie l'émergence à la disparition par un ensemble de phases: jeunesse, âge mûr, vieillesse. On rejoint, sur l'axe des temps, le principe des seuils.

Tout un paragraphe à ouvrir ici sur le biologique.

Ces problèmes de transitoires ont été étudiés en détail par les automaticiens, assez peu dans d'autres domaines (informatique... ?).

Mélèse a proposé le concept de "baby system" (dans son livre AMS): "l'embryon du système, pas encore muni²de toutes ses capacités opératoires ni de toutes ses informations, mais capable de les développer au contactde l'environnement sur lequel il est ouvert.

L'adaptation structurelle et l'apprentissage, qui²ont pu dans une assez large mesure être étudiés par²simulation, sont une catégorie importante de mouvements structurels. Ils sont une réaction "positive" aux²évolutions de l'environnement, évolutions qui peuvent²être continues ou soudaines (événement, ce mot étant parfois pris spécifiquement dans le sens de²"radicalement neuf" (happening)).

Cas particuliers d'apprentissage: jeux (dames),²reconnaissance des formes (que l'on pourrait cependant²dissocier de l'apprentissage, mais qui y est couramment associé).

A la différence des petites agitations "moléculaires" et des mouvements de fonctionnement, les évolutions structurelles relèvent de l'irréversibilité. Ce concept fait aussi l'objet d'études détaillées sur le plan mathématique. Prigogine, Fer. "L'irréversibilité crée nécessairement le discontinu"²(Attali).

....oscillations

se font aussi à un niveau assez élevé

évolutions de haut niveau par redressement²d'oscillations de bas niveau.

progrès et vague génétique: se situer sur la²vague, sur des vagues.

Aspects de l'évolution structurelle

- intégration, avec réduction du nombre des organes, délocalisation des fonctions, concrétisation de Simondon

Bourrouillou.

on peut passer d'un mouvement à un autre. dialectique... informatique: intégration des données, des procédures (orthogonalité)

- différenciation, on crée un organe pour une fonction déterminée

- normalisation. mise en équivalence des²différents sous-systèmes, pour faciliter la communication, leur gestion, leur représentation à un²niveau supérieur

5.1.3.1 Evolutions naturelles/autonomes
5.1.3.2 Evolutions voulues de l'extérieur

On peut agir sur le système. Est-ce très différent ?

5.1.4 L'événement

Une forme du passage rayon/corpuscule.

Charge suffisante. Investissement en entrée (tempsde préparation, nombre de personnes qui y travaillent)et en sortie (retentissement, durée, nombre depersonnes qui en sont informées).

Rendement, gain d'un événement. Morts/kilomètres.

Noyau dur: date, lieu, quelques bits de définition, puis contenu plus complet.

Degré plus ou moins net de la rupture, de lamanière dont l'événement se détache sur le fond. "La révolution française"... "La prise de la Bastille".

5.2 Mesures

Les principes mis en avant pour la mesure de la fonction d'état se transposent aux structures temporelles. C'est essentiellement aux mouvements fonctionnels que l'on se réfère alors. En quelque sorte, la variété mesure le nombre des états que le système peut prendre au cours de ses fonctionnements.

La mesure des mouvements infra-fonctionnels s'exprimera en termes d'erreur, de bruit, de probabilité de défaillance (?).

La mesure des mouvements structurels sera l'évolution du nombre des états fonctionnels. Dans lamesure où ces évolutions peuvent être considérées comme fonctionnement d'un système plus vaste, on pourra avoir un emboitement de mesures, chaque état du niveau supérieur représentant une famille d'états du niveau inférieur, dont la fonction d'état est une caractéristique quelconque.

Variété dynamique: nombre d'états différents qu'un système peut prendre dans l'unité de temps. Il dépend à la fois du nombre d'états possibles à chaque moment et du temps nécessaire au changement.

En général, les passages ne sont pas aussi rapides ou aussi probables d'un état quelconque à un état quelconque, et il faudra donc aller vers une entropie dynamique.

La capacité d'accélération/freinage est un exemple.

5.3 Hiérarchie, fréquences, horizons de prévision

Normalement, les fréquences du niveau supérieur doivent être moins élevées, les périodes plus longues, que celles du niveau inférieur. Et, au niveau de la conscience, l'horizon de prévision est plus lointain pour le patron que pour le manoeuvre.

Cette position est en fait élitiste et pas aussi réaliste qu'on pourrait le penser:

- certaines sous-structures ont une durée de vie beaucoup plus longue que les structures de niveau supérieur (récupération des composants, en particulier, artefacts ou produits naturels);

- un ouvrier peut s'intéresser à un terme plus long que son patron, surtout si celui-ci est très âgé;

- certaines dynamiques techniques peuvent avoir des cycles beaucoup plus longs que les dynamiques "de produits".

Fréquences.

5O Hz courant alternatif

1OK grandes ondes

1 méga communication avion, FM

10 Mega ondes courdes

100 méga télévision

1 giga hydrogène dans l'espace

10 p 10 ou 11 radar

10 p13 infra rouge

10 P 14 rouge

10 P 16 ultraviolet

10 P 19 rayons X

10 P 22 rayons gamma

Réforme et révolution

On admet qu'il existe un système, non satisfaisant sur certains points, et l'on entend arriver à un système qui satisfasse, en tous cas mieux

suppose que

- on a une échelle de valeur pour apprécier les systèmes

- on dispose de moyens de changement

La réforme consiste à ajuster, voire à modifier le système existant, notamment par des modifications purement quantitatives. La révolution consiste à détruire le système existant pour en mettre un autre à la place.


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