Common nouns | A | B | C | D | E | F | G | H | I | J | K | L | M | N | O | P | Q | R | S | T | U | V | W | X | Y | Z | Index Berger's Works
Proper nouns A | B | C | D | E | F | G | H | I | J | K | L | M | N | O | P | Q | R | S | T | U | V | W | X | Y | Z| HOME DICCAN

1971-1980 : Une première maturité, constructive et... contestée

Après les enthousiasmes des débuts, après les émotions de mai 1968, l'informatique risquait de devenir ennuyeuse. Machines langages, méthodes, tout semble au point, et les grandes entreprises, sinon les petites, commencent à constuire les bases de ce qui deviendra la "legacy", le patrimoine, et à quoi on reprochera, 25 ans plus tard, de ne pas avoir été pensé pour l'An 2000.

Les disques arrivent, mais sans changer beaucoup l'organisation fondamentalement "batch" des traitements. L'informatique génère des tonnes, des milliers de tonnes de papier (On se gausse des discours d'alors sur le bureau sans papier, mais il faut voir tout de même le chemin parcouru). Les terminaux apparaissent, tout de même, sans suprendre trop, au moins dans les halls des grands comptes. Quelques détails amusants: au Club Méditerrée, il y a trois opératrices téléphoniques pour un terminal. Ils commencent même à atteindre les points de vente et les ateliers industriels.

De grandes usines de traitement se construisent, de vastes ateliers regroupant des opératrices sur terminaux. Entre ces sites et les terminaux, il faut des réseaux, qui intéressent désormais beaucoup la profession informatique. 700 personnes se pressent au congrès organisé à Rennes par l'Afcet. Mon Dieu que tout cela est déshumanisant. On attendait une libération de l'homme ? Le maire de Rennes lance aux congressistes, à contre courant d'une ambiance décentralisatrice : "La République a triomphé en Vendée parce que la Monarchie avait bien organisé les routes et les postes". A bon entendeur salut... 1984 approche, Orwell aurait-il eu raison ?

Pire, tout cela devient ennuyeux au point que j'envisageais alors de changer de métier, après une visite sans surprise au Sicob de 1972, quand un ami me signala une nouveauté importante : la disquette. Elle n'était visible que sur le stand d'IBM, pour les mises à jour du système d'exploitation des systèmes 370, mais trois autres constructeurs en montraient des prototypes, à qui le demandait, dans le fond de leurs stands. Une disquette, certes, de 8 pouces, pour une capacité de 180 000 octets (ou plus exactement, 1,4 million de bits). Elle promettait de remplacer la cassette style Philips, donc d'apporter aux petites machines, voire aux utilisateurs individuels, les charmes de l'accès direct jusque là réservé aux lourdes, chères et donc encore relativement rares, disques magnétiques.

En fait, sous cette grande uniformité constructrice, un certain nombre d'observateurs, comme le consultant Gérard Métayer, sentaient déjà pousser un "deuxième âge  de l"informatique". Le relais serait bientôt pris par des gourous comme Bruno Lussato (micro-informatique) ou Louis Naugès (bureautique). La grande informatique ne veut pas voir le mouvement, ni lui faire place. Pierre Lhermitte devient le chef de file de ces réactionnaires désormais stigmatisés comme les représentants d'un ordre établi bien contrôle par les industriels, les grandes SSII et leurs grands prêtres.

Il est vrai aussi que le choc pétrolier de 1974,  comme l'échec des méthodes rationnelles de McNamara au Viet-Nam allait changer, durablement, les mentalités, en faisant perdre leur crédibilité aux grands modèles prévisionnels et en rendant le pouvoir politique à un libéralisme nettement moins planificateur.

Dans ce nouveau climat, même IBM finit par entrer dans le jeu d'une nouvelle informatique. Au Sicob 1975, après avoir raillé Lussato, elle annonce un  "terminal intelligent" et un début de souplesse doctrinale. De même, à  une réunion du Club des utilsateurs de la CII, à Versailles, on attendait un match féroce entre Lussato et Lhermitte. Mais l'un et l'autre, qui s'étaient envoyé du bois vert à la radio les semaines précédentes, rivalisèrent d'amabilité de "je n'ai pas voulur dire que ... ", bref "nous sommes bien d'accord, cher ami". La salle était déçue (et a fortiori les journalistes). Mais c'était sans doute tant mieux pour l'industrie;

Le débat se précise, entre une informatique "distribuée" (les mainframes avec des terminaux passifs) et "répartie", avec des micro-ordinateurs ou des terminaux plus sophistiqués. Le tout déjà très mâtiné de mini-ordinateurs car, et l'on l'a vu c'est depuis toujours, il y a un monde de petites machines intermédiaires. Les premiers schémas de Lussato étaient d'ailleurs basés sur des réseaux de mini-ordinateurs (on dirait presque aujourd'hui, de serveurs), dans une optique bien plus organisationnelle que technique et matérielle.

Mais enfin, la micro se dessine nettement dès 1975. Avec au moins une erreur qui a de quoi faire sourire aujourd'hui. On entend "le micro-ordinateur réussira contre les grands ordinateurs car lui, il n'a pas besoin de système d'exploitation".

Parallèlement, toujours à cette époque, se développe activement la monétique avec ses DAB puis ses GAB. Qui, sur le terrain, par exemple à Bourg-en-Bresse, où la Banque régionale de l'Ain lance sa carte MOA, rencontre un certain scepticisme, ainsi que le note le reporter-dessinateur que j'envoie enquêter.

La microfiche fait une réapparition en fanfare après un siècle d'oubli. Parmi les petites nouveautés, notons les autocollants, les post-it. Les grandes chaînes d'impression.

Quant aux télécommunications, ce ne sont pas les visions qui manquent, mais les réalités. En théorie, et l'on peut remonter presqu'aussi loin qu'on veut (même au bureau suprême de Ponthière), pour trouver des auteurs qui en prévoient la convergence avec l'informatique. Jean Auricoste le dit explicitement dès 1967. C'est une évidence pour Gérard Métayer, un thème de travail et même de brevet pour le projet Kayak de l'Inria en 1977, et un produit industriel avec une série de produits de Data General peu après.

Depuis longtemps, IBM investit dans les télécommunications et AT&T s'intéresse à l'informatique. Mais ces espoirs seront toujours, et aujourd'hui encore, largement déçus. Sur les bureaux, le téléphone et l'ordinateur restent deux outils différents, même s'ils utilisent désormais les mêmes réseaux. Demain  ?

Mais, pour faire cela, il faut du logiciel, qui commence à peser de plus en plus lourd, et est loin de donnser satisfaction. D'où une effervescence méthodologique qui, en France au moins, s''inspire de grands débats intellectuels, proches aussi de grands enjeux économico-politiques.

D'un côté, les tenants des "sciences dures", de la modélisation à la Forrester, de la centralisation justifiée par la loi de Grosch comme par les naïvetés de la micro-informatique naissante.

De l'autre, les anarcho-informaticiens de la micro, des "sciences molles", du "small is beautiful" contre "Big Blue". Ils vont l'emporter au congrès Afcet de 1977, donner lieu à un affrontement grandiose entre Jean-Louis Le Moigne, pape des nouveaux systèmes d'information et Robert Faure, pape de la recherche opérationnelle classique. Ils ont de quoi s'indigner des méthodes empoyées par les grands constructeurs (notamment IBM promettant la lune avec son modèle 38) comme des ratés multiples de la grande informatique (Dessin classque "ce que l'utilisateur voulait".

On parle même, rêvons-donc, de méthodes partipatives de conception des systèmes d'information, en liaison avec d'intéressants travaus allemands (Ulrich Briefs) et anglais (où les trade-unions n'ont pas encore été laminés par madame Thatcher).

Paradoxalement, l'école d'Aix, dominée par Le Moigne à l'université et Hubert Tardieu au ministère de l'Equipement (CETE), va conduire à la naissance de Merise, qui deviendra par la suite le symbole même d'une informatique rationnelle et dépassée.
 
En 1978, l'informatique giscardienne s'exprime par la bouche du président de la République lui-même comme par le rapport Nora-Minc "L'informatisation de la société". On peut critiquer nombre de ses déclarations, mais la vision ne manque pas de grandeur , qui s'harmonise bien avec un nouveau libéralisme plus décontracté. Un chef de l'état qui joue de l'accordéon et une informatique affranchie des informaticiens. Citons Nora-Minc :

"Jusqu'à une période récente, l'informatique était chère, peu performante, ésotérique, et de ce fait cantonné à un nombre restreint d'entreprises et de fonctions : élitiste, elle demeuriat l'apanage des grands et des puissants. C'est une informatique de masse qui va désormais s'imposer, irrigant la société, comme le fait l'électricité. Deux progrès sont à l'origine de cette transformtion. Il n'y avait autrefois que de grands ordinateurs. Il existe désormais une multitude de petites machines puissantes et peu coûteuses. Elles ne sont plus isolées, mais reliées les unes aux autre dans des "réseaux" ".

(Et l'on entend des commentateurs dire, il y a quelques jours encore sur France Inter, que personne n'avait prévu Internet !).

Et au début de cette même année, était votée la loi "Informatique et Libertés". Nécessaire à la protection des libertés démocratiques (j'ai milité pour elle), cette loi n'en est pas moins une catastrophe pour la rationalisation de l'informatique des administrations, car elle est assortie d'une stricte interdiction d'interconnexion des fichiers. L'Inséé se renferme, tout en ayant conscience des dangers, car on s'y rappelle (et là presque exclusivement à cette époque), de l'affaire Carmille.

Les rêves continuent de partir en tout sens. Hélas, les diverses tendances de la réflexion française ne sont pas parvenues à s'unir. Seule le volet "dur" d'Inforsid trouve son avenir, et mérite son financement. La chance d'une pareille synthèse ne reviendra pas car, nous allons le voir, la décennie suivante est encore bien différente.

Et pendant que les gurus se disputent, que les soixante-huitards attardés continuent d'aboyer aboient, la caravane informatique passe, et se construit à la fois progressivement et sur de grands projets, par exemple au Crédit Lyonnais, qui se lance en 1975 dans un "véritable plan informatique".
 
***
MIS
MIS. Lorsque nous parlons de système informatique intégré de gestion, nous entendons une combinaison très structurée de personnes, d'installations et de machines qui assurent le stockage, le traitement et l'extraction de données, leur transmission et leur visualisation, pour répondre aux besoins de preneurs de décisions situés à tous les niveaus de la hiérarchie de l'entreprise. Hershner Gros, avant 1969. Cf Blumenthal 63

MIS. Un SIG comprent un grand nombe de sous-syustèmes indificuels qu'on peut classer en trois catégories:
- système opérationnel de gestion
- sytème de reportage aux dirigeants
- sytème d'aide à la prise de décision opérationnelle.
Stanford Research Institute, 1970. Cité par Hurtubise, Deloche de Noyelle.