Association Française des
Sciences et Technologies de l'Information

Hebdo
No 12. 20 novembre 2000

Sommaire : Trois questions à Jean-Paul Figer | Actualité de la semaine | Enseignement | Manifestations | Concepts | La recherche en pratique | Le livre de la semaine | Détente.


Trois questions à Jean-Paul Figer Chief Technology Officer, Cap Gemini Service

Asti-Hebdo : Quels sont actuellement les thèmes de recherche qui vous semblent essentiels ?

Jean-Paul Figer : XML vient en tête, avec tout ce qui touche à la "personnalisation" des applications, ou encore la "voiture multimédia" et bien sûr la sécurité.

Mais soyons clairs : de la recherche au sens strict, nous n'en faisons pas. Notre rôle, c'est de prendre les résultats de la recherche et d'en trouver les applications réelles le plus vite possible.

Ce fut le cas, par exemple, pour l'intranet. Dès 1985, nous avons utilisé Internet et participé à des projets de recherche de la Communauté européenne (Esprit). En 1994, nous avons lancé Galaxy, notre outil de gestion de la connaissance, intranet mondial pour tous les collaborateurs de l'entreprise. Nous avions (et nous avons toujours, car Galaxy évolue) cinq ans d'avance sur la concurrence. Notre croissance externe, même aux Etats-Unis, nous a permis de le vérifier.

Si nous avons pu le faire, c'est que nous avions une bonne connaissance de Mosaic (un précurseur des navigateurs d'aujourd'hui) et que nous étions bêta-testeurs de Windows 95, le premier à proposer en standard une pile TCP/IP. Voilà ce que nous appelons l'innovation.

Notre apport spécifique, c'est de mesurer les conséquences des nouvelles technologies en terme de fonctionnalités. On pense toujours aux nouvelles applications... or l'innovation consiste souvent à faire la même chose qu'avant, mais mieux et moins cher grâce à de nouvelles technologies.

Ainsi définie, l'innovation représente 5% de notre activité. Soit quelque 3000 personnes dans le monde pour le groupe Cap Gemini Ernst & Young

Hebdo : Quelle est votre mode de coopération avec les chercheurs ?

J.-P. F. : D'abord, nous sommes en contact permanent avec le monde de la recherche. Nous collaborons avec les laboratoires au sein des programmes Esprit. Et, en France, je suis membre du CCSTIC (Comité de coordination des sciences et technologies de l'information et de la communication), organisme consultatif pour le ministre de la Recherche sur la R&D dans le domaine des STIC.

Ensuite, notre démarche consiste à trouver un client-pilote (parfois, nous-mêmes) qui accepte d'explorer avec nous de nouvelles possibilités, de prendre les risques d'un projet innovant. Dans ce domaine, il n'y a pas de critères standard de rentabilité. Il est normal que certains projets ne débouchent sur rien. Il suffit de lire la presse professionnelle d'il y a quatre ou cinq ans pour s'en convaincre.

Nous procédons à l'inverse de beaucoup de nos concurrents, qui commencent en général par constituer une équipe de spécialistes pour être sûrs de disposer des compétences nécessaires et élargir ainsi leur offre. Nous, nous visons d'emblée le déploiement.

Sur un thème qui nous paraît prometteur, nous réunissons des personnes venant de tous les horizons (différentes spécialités, différentes fonctions dans l'entreprise, différents pays). Quarante ou cinquante personnes autour de la table. Nous dégageons des thèmes d'expérimentation. Et nous cherchons de suite les clients-pilotes. Dans des pays différents et à des niveaux différents. A partir de ces projets, nous visons une croissance en boule de neige, notamment pour la formation.

XML, par exemple, nous intéresse moins par ses aspects purement techniques (langage de tags, outillage riche, XSL...), ou même pour ses espoirs de devenir le nouvel EDI (Echange de données informatisé, avec ses travaux de normalisation). Nous y voyons surtout une manière toute nouvelle de concevoir l'architecture des applications. Et nous avons trouvé un partenaire important à la BNP, où nous l'utilisons pour rénover l'architecture des systèmes.

Il est difficile d'intégrer les chercheurs (l'Inria est une exception) à cette démarche car :

En outre, les chercheurs se font une vision idyllique de l'entreprise privée. Ils se plaignent du manque de moyens, de secrétaires, de services de maintenance pour leurs équipements. Mais ils ne veulent pas s'entendre pour sous-traiter efficacement ces prestations. Le privé n'a pas plus d'argent que le public. Mais il sait mieux s'organiser.

Hebdo : Pouvons-vous espérer que cela change ? Le Gouvernement vient d'augmenter sensiblement son effort de recherche pour l'informatique,

J.-P.F. : De toutes façons, l'effort français pour la recherche est de beaucoup insuffisant. 8% des budgets publics de recherche pour l'informatique : il faudrait que ce soit 30 ou 40%. L'informatique a des débouchés concrets considérables et immédiats. Ne serait-ce qu'en matière d'emploi. Nous pourrions embaucher chaque année la totalité des ingénieurs en informatique qui sortent des écoles.

Mais, comme les moyens ne sont pas infinis, pour miser plus sur l'informatique, il faudrait investir moins ailleurs. Arrêter certains projets. Les accélérateurs de particules peuvent attendre quelques années. Si le monde de la recherche ne se cramponnait pas à sa répartition actuelle et à ses garanties statutaires, le massif départ en retraite de chercheurs entre 2005 et 2010 nous offrirait une opportunité historique de changement.


Actualités :

Le Département Stic du CNRS confié à Francis Jutand

C'est à un télécommunicant que revient la charge de diriger le département Stic (Sciences et technologies de l'information et de la communication) du CNRS. La décision a été signée mardi dernier 14 novembre par la directrice générale Geneviève Berger.

Francis Jutand (ENS Cachan promotion 1971) était directeur scientifique du Cnet de France Télécom. Très ouvert aux perspectives sociales, il est notamment président du club Planetcom au sein de l'association Prospective 2100 (association qui réunit, autour de Thierry Gaudin et d'Hubert Curien, des chercheurs et des professionnels concernés par les questions de l'avenir de la planète).

Dans ce cadre, il a lancé un appel aux scientifiques :"La production de richesse de l'ère industrielle provient du travail. L'enjeu est de savoir s'il y aura un jour une production de richesse de nature immatérielle qui elle même rentrera dans un processus économique. Si oui, comment et par qui ces partages d'expériences, ces échanges de savoirs, seront-ils monétarisés ? Comment ces richesses immatérielles vont-elles se répartir sur le globe ?"

On peut se faire une idée de ses orientations en parcourant les transparents d'un exposé prononcé en 1998 dans le cadre des rencontres Inria-Industrie.

Un conseil stratégique des STI

Jacques Baudé nous signale la parution du décret créant le conseil stratégique des technologies de l'information

"Il est créé pour une durée de trois ans auprès du premier ministre un conseil stratégique des technologies de l'information ayant pour mission d'éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix stratégiques du gouvernement en matière d'innovation, de recherche et de développement dans le domaine des technologies de l'information.

Le conseil stratégique des technologies de l'information examine les questions qui lui sont soumises par le Premier ministre. Il peut lui adresser toute proposition concernant son domaine de compétence. Il formule notamment des recommandations pour la mise en oeuvre et l'évaluation des actions entreprises dans le cadre du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information et des programmes communautaires correspondants. Il est consulté sur l'évolution des filières de formation dans les secteurs des technologies de l'information et de l'économie numérique."

Journal Officiel , 9 novembre 2000, p. 17727.

 

L'Asti membre du Cepis

L'Asti est désormais membre du Cepis, Council of European Professional Informatics Societies, autrement dit la fédération européenne des associations d'informaticiens.

A ses assises de Francfort (le 3 octobre dernier),l'association a aussi élu son nouveau comité exécutif :

Le Cepis a maintenant un secrétariat. Il se trouve à Francfort, dans l'immeuble du VDE (Verband Deutscher Ingenieure) qui a mis gracieusement un bureau et une infrastructure à disposition de l'association. Rappelons que le VDE est la société-mère de la ITG (Informations-Technische Gesellschaft), une société d'informatique, membre du CEPIS de longue date. Le secrétaire-général (Chief Executive Officer) est M. Peter Bumann.

- Le numéro un d'Upgrade, la nouvelle revue on-line du CEPIS est sorti. Ce bimensuel a été créé par les rédacteurs des revues "Novática" (Espagne) et "Informatik/Informatique" (Suisse) qui sont conjointement responsables de la rédaction. La revue est à la disposition des membres de l'Asti.

 

L'Aful brevète le passage au 35 heures

Pour pousser les feux sur le débat très actuel de la brevetabilité des logiciels, l'Aful (Associations française des utilisateurs de Linux) a déposé à l'Inpi (Institut national de la propriété industrielle) un brevet sur un "système et procédé de réduction du temps de travail".

Témoignant ainsi de son engagement de plus en plus politique, maintenant que Linux sort du petit monde des passionnés pour s'épanouir parmi les grands standards industriels, l'Aful "entend démontrer l'absurdité économique d'une extension du système de brevet au logiciel et les risques qu'elle fait courir à l'ensemble de la société".

Voyez le texte complet du communiqué.


Enseignement

Journée pédagogique du Creis

Sur le thème "Commerce électronique et données nominatives", le Creis organise le vendredi 1er décembfe sa journée pédagogique annuelle, à l'université Jussie, amphi "Institut Jacques Monod" (au pied de la tour 42).

Ces journées sont destinées aux enseignants confrontés avec leurs étudiants à la conception, aux usages et aux enjeux des nouveaux dispositifs d'information et de communication, mais elles sont aussi un moment d'information et de débat pour les chercheurs.

9h30-12h30 Usages : régulation, responsabilités, protections, enjeux sociaux du fichage :

Intervenants : Cécile Alvergnat (L'échangeur, Cnil) et Danièle Bourcier (CNRS),

14h-16h Exemples de pratiques de sites commerciaux. Intervenant : Fabrice Mollo (doctorant Cecoji / CNRS).

16h-17h Assemblée générale du Creis;

Contact : Chantal Richard

Un certificat supérieur européen d'informatique

Un nouveau projet vient d'être lancé par le Cepis, l'Epic (European Professional Informatics Certificate). Il comporte un examen et un certificat destiné à tous les professionnels de l'informatique qui n'ont pas de diplôme supérieur en informatique (études dans une autre branche, formé sur le tas, etc). Comme pour le PCIE, Cepis définit les connaissances et l'expertise requises (Syllabus), mais ne forme pas et n'examine pas (mais il surveille la qualité des examens). L'organisation et les structures seront analogues à celles du PCIE. Le projet est encouragé par la Commission Européenne (DGXIII).


Manifestations

Quand l'intelligence vient au véhicule

Les 5 et 6 décembre prochains se tiendra au Cnit (Paris La Défense), le salon IncarTech, salon du véhicule intelligent (voiture et camion). En vedette cette année : la communication à haut débit avec UMTS.

Menaces sur la vie privée

Sur ce sujet, mais pour un autre public que le Creis, la revue Transfert Net organise le 6 décembre un séminaire à la Défense (sous la Grande Arche).

Au programme: le cadre juridique français, le cadre international, les conséquences pour l'entreprise.


Concepts

De la net-économy à la next-economy

Les concepts filent comme le vent. A peine inscrite au grand dictionnaire mondial des buzzwords, la net-économy (en français dans le texte), victime d'une Bourse volatile, va-t-elle céder le pas à la à la "next-economy" (tout aussi mondialo-française, j'allais dire mondialaise pour suivre la génétique linguistique d'Etiemble) ?

C'est en tous cas le point de vue d'un document de doctrine publié sur son site par le cabinet américain Scient (Attention, très beau site, mais "plantant" facilement). Il s'agit de combiner intelligemment la net-economy avec la bonne vielle économie industrielle, comme le suggérait Jean-Paul Bois, président du Club de l'Hypermonde, dans les colonnes de notre numéro 10. Mais le mérite de Scient est de décliner méthodiquement le concept en matière de stratégie, marketing, financement , management...

La recherche en pratique

Science presse

Isabelle Burgun de Videotron, nous signale le site Science Presse qui accueille quelque 60 000 visiteurs par mois. Basée au Québec, cette agence de presse francophone délivre depuis 20 ans de l'information scientifique pluridisciplinaires.

Le site comporte une bibliothèque proche des thèmes d'Asti-Hebdo ainsi qu'un kiosque fournissant une revue de presse.


Le livre de la semaine

Bureautique libre

StarOffice n'est plus seulement disponible en annexe du livre de Jacek Atymiak et al (Editions Osman Eyrolles Multimédia), comme annoncé dans notre numéro 10. Il est aussi fourni avec le numéro 56 de Net Surf (38 F dans les kiosques). Et peut aussi, gracieusement, le télécharger sur le site de Sun (mais c'est long, si vous n'avez pas d'accès haut débit).


Détente

Voting for dummies

Les élections américaines ont donné lieu à la parution, pastiche, factice et anonyme, de Voting for dummies. Un bon candidat pour l'élection du prochain livre virtuel


L'équipe ASTI HEBDO : Directeur de la publication : Malik Ghallab. Rédacteur en chef : Pierre Berger. Secrétaire général de la rédaction : François Louis Nicolet, Chef de rubrique : Mireille Boris