Quelques références sur la conception coopérative

A l'intention de Wendy Mackay
6/2003

Informatique et Gestion (collection complète disponible au centre de doc de l'Inria) a consacré au thème une série d'articles dans les numéros 110 à 115 (décembre 1979, 1980). :
- Yves Lasfargue, pour la CFDT
- Land/Mumford/Hagwood (compte-rendu synthétique de leurs interventions au collogue de Bonn de juin 1979.
- Les Norvégiens en pointe. Article d'après "The human side of information processing", Actes du colloque ci-dessus sous la direction de Bjorn-Andersen (chez North Holland)
- Synthèse par Gérard Rolloy : "Certaines méthodes de conduite de projet favorisent-elles l'expression des salariés sur leurs futures conditions de travail".

Dans le numéro 112, un texte du président Valéry Giscard d'Estaing donne l'environnement du thème à l'époque.

En juin ou juillet 1980, était organisé un colloque à Dauphine, sous le titre "Informatique et travail, comment dialoguer avec les syndicats", avec la participation de Kerstin Aner (ministre suédos de l'éduction), Niels Björn Andersen, Ulrich Briefs et Yves Lasfarge. Faute de publicité (une tradition française), la salle était hélas presque vide.

Les Norvégiens étaient en tête sur le plan de la législation sociale (Convention LO-Gouvernement en 1975), mais les Anglais n'étaient loin derrière, puisque Karen Legge et Enid Mumford publient en 1978 : Designing Organisations for Satisfaction and Efficiency. (Gower Press, England, 1978).

Quelques efforts assez isolés sont menés en France. Par exemple :
- Rhone-Alpes. Participation du personnel au plan informatique de la banque Laydernier. De la théorie à la pratique. Le Monde informatique no 99 25/4/83
-Chez Iveco-Unic: les utilisateurs participent. conception du réseau de gestion des points de vente. Le Monde informatique no 123 28/11/83
- Une démarche "participative" à la Samaritaine. Le plan informatique conçu comme une "ingénierie sociale". Le monde informatique no 277 27/4/87

En France, on s'oriente vers des outils pratiques, comme le guide Actif, Informatisation et vie au travail. Un guide pour maîtriser les impacts sociaux du développement de l'informatique. (Editions d'Organisation, 1981). Selon ses auteurs, le guide "s'adresse à tous les partenaires du projet informatique... responsables d'étude... utilisateurs futurs ou actuels, organisateurs, formateurs, médecins du travail, chefs d'entreprise, partenaires sociaux dans l'entreprise".

L'obligation pour les entreprises de consulter les partenaires sociaux sur les projets informatiques se concrétise dans les lois Auroux.

Dans une certaine mesure, la méthode Merise visait à créer un langage commun avec les utilisateurs. Un effort de ce type est mené par exemple à la Caisse nationale de prévoyance (CNP. L'approche "systémique". Merise et vidéo de synthèse. (Le monde Informatique No 246, du 8/9/1986.). Nota : la vidéo est utilisée pour présenter le modèle, non pas comme outil de réflexion commune.

Des espoirs de synthèse prennent forme sous la bannière de la systémique, notamment dans le cadre de l'Afcet, avec ses grands congrès Modélisation et maîtrise des systèmes (1977) , Petits groupes et grands systèmes (1979), Dimensions de l'entreprise et forme de gestion (à peu près à la même époque).

Les Allemands persévèrent : En 1983.: Systems design for, with and by the users. (North Holland) sous la directiond'Ulrich Briefs (mais aussi de l'italien C. Ciborra et de l'américain L. Schneider, Harvard University).

En 1982, le minitel est lancé après une expérimentation en vraie grandeur à Vélizy (un millier de postes dans des familles).

En 1983 paraît "Negocier l'ordinateur. la concertation sur les nouvelles technologies dans l'entreprise", signé de l'association Arete. (La Documentation française, 1983. C'est le numéro 14 d'une collection "Informatique et société).

Mais ces travaux sont par la suite largement oubliés :
- En partie parce que l'arrivée de la micro-informatique, puis des réseaux, conduisent plutôt à s'en remettre aux utilisateurs eux-mêmes pour développer leurs propres outils... Cela conduira souvent à des situations assez chaotiques
- Les chercheurs en systèmes d'information, de leur côté, après un grand espoir de coopération interdisciplinaire dans Inforsid, se séparent :
. les techniciens des méthodes vont surtout vers les outils techniques, le génie logiciel dur, la formalisation. Il en va de même en Allemagne (sous réserve), avec les travaux du Pr Scheer, débouchant sur les outils Aris. (Plus récents que Merise, peut-être plus pragmatiques)
. les sciences humaines se désintéressent largement du problème
. la systémique s'oriente vers des réflexions abstraites (constructivisme).

La rupture est bien marquée avec la victoire de la Gauche en 1981, et en sens inverse de la logique politique. Valéry Giscard d'Estaing avait lancé le thème "Informatique et société", participatif mais au niveau des grandes structures. François Mitterrand lance au contraire le "Centre mondial de l'informatique", orienté vers le grand public et les enfants, puis le plan "Informatique pour tous", dans les écoles.

Parmi les attardés, on peut citer l'équipe de la méthode Ossad : Gilles Charbonne, Françoise Calmes et Philippe Dumas signent en 1990, (aux Editions d'Organisation) "La méthode Ossad".

 

Nota. Sur la difficulté croissante.

Aux origines, ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui font développer leurs machines pour leurs usages : Pascal fait construire la Pascaline pour ses travaux comptables et fiscaux. Thomas de Colmar qui invente l'arithmomètre, est aussi un grand patron de l'Assurance.

Avec la mécanographie à cartes, il y a bien des "organisateurs". Mais la technologie est assez facile à mettre en oeuvre pour que les responsables opérationnels, (dans mon cas, à La Foncière, années 1960, par exemple, le Directeur du Contentieux), ou certains collaborateurs intéressés (moi, au service Réassurances), conçoivent eux-mêmes leurs applications, aidés par les "organisateurs", et en utilisant des machines conçues par des firmes spécialisées.

La programmation des ordinateurs est au départ affaire d'ingénieurs (c'est souvent encore le cas pour le calcul scientifique, Fortran étant beaucoup plus facile à maîtriser que la mécanique quantique). Pour la gestion, au départ Cobol est considéré comme un langage "naturel", destiné aux utilisateurs. On tente, avec des outils comme Mark IV, de leur rendre la main. Et puis on s'aperçoit que le logiciel est difficile, et relève d'équipes spécialisées.

Il en va de même avec la micro. Grande vague de développment ludiques ou individuels dans les années 80. Puis tout revient aux équipes informatiques, aux SSII ou aux éditeurs. Que ce soit dans l'entreprise (décisionnel) ou en famille (jeux).