De Pierre BERGER à François MONTEL

URGENT

Défintion

La méthode des points de fonction vise à "peser" une application ou partie d'application de manière indépendante des technologies utilisées. En partant du cahier des charges ou de l'analyse fonctionnelle, le "mesureur" compte les entrées, les sorties, les interactions avec les utilisateurs et les fichiers au sens "logique". Il fait ensuite le total pondéré de ces mesures, puis y applique des paramètres typiques de l'environnement développement. La précision est de l'ordre de 20%.

@SURTITRE:MANAGEMENT DES ETUDES

@TITRE:Vers une mesure normalisée

de la charge applicative

@CHAPO:Précise et facile à mettre en oeuvre, la méthode des points de fonction apporte une contribution de plus en plus appréciée à la gestion des projets informatiques, à l'évaluation des outils de développement et à la comparaison inter-entreprises. Elle devrait progresser dans la voie de la standardisation et dans l'appréhension des nouvelles technologies.

@TEXTE:Les débats quasi-métaphysiques sur le down-sizing, le client-serveur et les systèmes ouverts cèdent maintenant le pas à des analyses plus objectives des solutions possibles à un moment donné. Les nouvelles technologies ont fait la preuve de leur aptitude à prendre en compte tous les types d'applications. Même si elles exigent des milliers d'utilisateurs simultanément connectés. Et même si leur fiabilité est critique pour la vie de l'entreprise. Ils n'est pas sûr, en revanche, qu'elles abaissent les coûts de développement.

De toutes façons, l'expression client-serveur peut désigner des solutions techniques et même des architectures applicatives très différentes. Et s'accompagner d'un taux plus ou moins important d'acquisition de progiciels, de sous-traitance et d'infogérance. En tant que maître d'oeuvre, le service informatique doit de plus en plus se doter d'outils précis et fiables d'évaluation des différentes solutions. Faute de mesures, les débats tournent aux guerres de religion, comme le dit par exemple Antoine Puerto, habitué de longue date à ce type de management (voir article joint).

La méthode des points de fonction, inventée par Alan Albrecht au début des années 80, mûrit progressivement ses principes et ses outils. Un nombre croissant d'entreprises françaises y font appel, notamment de grands comptes comme les banques (Société générale, Caisse nationale du crédit agricole, Sovac) et les constructeurs automobiles. Ils se retrouvent à la FFPUG (French function point users group). Et trouvent des experts compétents chez diverses firmes de conseil, principalement T.Mis et la filiale française de James Martin &Co (constituée pour l'essentiel des anciennes équipes de Pact Group).

Pour autant, la doctrine et la pratique ont encore de quoi progresser. Dans la voie de la normalisation. Dans l'établissement de bases de mesures dans les entreprises et au niveau national ou mondial. Dans la prise en compte des technologies nouvelles.

La normalisation trouve un support actif à la FFPUG. Il s'agit d'établir des bases aussi universelles et rigoureuses que possibles pour le comptage des points, la "pesée" des applications. Pour François Charpe, président de l'association, il s'agit même de produire un véritable "mètre étalon" estampillé par l'ISO (International standards organization). La démarche peut sembler aussi ambitieuse qu'abstraite. Elle s'impose si l'on veut progresser dans la voie des comparaisons d'une entreprise à l'autre, notamment selon les concepts du "benchmarking". D'autres, inspirés plutôt de Capers Jones, poussent une approche plus simple et plus pragmatique. Les démarches se complètent plus qu'elles ne se contredisent, puisqu'elles reposent substantiellement sur le recueil des mêmes informations de base.

Il est en effet essentiel de continuer à établir des bases de référence pour permettre les comparaisons aussi bien dans le temps qu'entre différentes applications, différents environnements techniques, différentes entreprises, différents pays. La Sovac ou la CNCA travaillent actuellement à constituer ou renforcer de telles bases. La Société générale, qui a fait cet investissement il y a quelques années, peut désormais s'appuyer sur son capital de mesures pour évaluer l'en-cours ou les technologies nouvelles. Les références internationales donnent déjà des résultats satisfaisant, dont la précision surprend même à l'occasion les utilisateurs, en termes de lignes Cobol ou de jour.homme par point de fonction. Mais chaque entreprise a ses applications spécifiques, ses outils et ses équipes, et doit donc établir ses bases pour évaluer ses progrès, sa position par rapport à d'autres et ses possibilités de développements futurs.

Reste enfin à savoir comment la méthode saura prendre en compte le progrès technologique. Conçue à l'époque de Cobol et du transactionnel sur terminaux passifs, les points de fonction vont-ils s'adapter au client-serveur et à la programmation objet. La diversité même des réponses données à cette question par les différents experts laisse un peu perplexe. Pour les uns, peu importent les technologies, puisqu'il s'agit de mesurer des fonctionnalités fournies aux utilisateurs et non des performances de machines. Pour d'autres, les points de fonction fourniront précisément les bases de comparaison nécessaires pour calculer le coût du point de fonction dans les différents types d'environnement. D'autres enfin concluent de leur expérience que la technologie apporte à la fois des charges supplémentaires et des facilités de développement, qui tendent à s'annuler statistiquement. Renforçant d'ailleurs la crédibilité fondamentale de la méthode par sa stabilité. Après plusieurs décennies dominées par les monopoles propriétaires et les gourous, l'informatique entrerait-elle dans l'ère de la mesure objective? @SIGNATURE:PIERRE BERGER

@ENCADRE TITRE:PREMIER BILAN A LA SOVAC

@ENCADRE TEXTE:Un premier comptage a permis à la direction informatique de la Sovac (notamment MM. Grobost et Kessler) de dégager les points-clés suivants:

- Il faut disposer d'une vision "utilisateur" de la demande, mais aussi d'une vision fonctionnelle du projet.

- Le comptage est relativement rapide: de une à deux heures pour 160 points de fonctions (NDLR: une paye standard représente environ 3 à 4000 points de fonction).

- La méthode SPR (promue en France par T.Mis) est la plus efficace. Elle permet un comptage rapide, tôt dans le projet. La méthode IFPUG est la plus précise, surtout pour le comptage relatif aux données; mais le comptage est long et n'est applicable que sur des spécifications fonctionnelles détaillées. Les deux méthodes sont complémentaires.

- Le comptage sur l'analyse fonctionnelle est bien représentatif de la richesse fonctionnelle. L'écart de comptage varie entre 3 et 20%.

- Les résultats du comptage doivent, si possible, être confrontés avec les résultats d'une tierce personne (pour "contre-mesure).

- Le comptage montre la nécessité d'adapter certaines règles, notamment pour prendre en compte la réutilisabilité des composants.

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@SURTITRE:ANTOINE PUERTO, DIRECTEUR RESEAUX ET SYSTEMES D'INFORMATION, CNCA

@TITRE:"Il faut mesurer pour sortir des guerres de religion"

@INTERVIEW QUESTION:Vous pratiquez les points de fonction depuis plusieurs années. Quel intérêt majeur y trouvez-vous ?

@INTERVIEW REPONSE:ANTOINE PUERTO. J'y vois trois grands avantages. Le premier est de mesurer l'apport des nouvelles technologies à la productivité des développements. Faut de pouvoir mesurer ce qui se passe quand on change d'outil, de langage, d'AGL, d'architecture, le discours reste subjectif. Il suffit de lire les articles publiés il y a quatre ou cinq ans sur le client/serveur! Il ne s'agit pas de mesurer des productitivés individuelles, ni même d'équipes. Mais d'évaluer les outils, qui jouent le rôle principal au niveau d'une entreprise, même si la productivité individuelle varie fortement.

Le deuxième avantage, mais il exige une mise en place plus longue, est de pouvoir planifier les coûts et les délais à partir d'une base de références établie dans l'entreprise. Il faut savoir, par exemple, que la suppression de fonctionnalités dans un programme coûte aussi cher que d'en ajouter. Les points de fonction permettent de le montrer aux utilisateurs. Par ailleurs, ils offrent une base pour comparer le développement en interne et les offre des sociétés de service.

Enfin, les points de fonction permettent de se comparer avec d'autres entreprises, de pratiquer le "benchmarking". Nous sommes tous très bons, bien sûr. Mais sommes-nous meilleurs ou moins bons que les autres? Il faut un minimum de normalisation pour comparer. En restant conscient que l'existant, l'environnement, la culture d'entreprise influent sur la productivité.

@INTERVIEW QUESTION:Conçus au départ pour le Cobol et le traitement par lots, les points de fonction peuvent-ils s'adapter aux nouvelles technologies?

@INTERVIEW REPONSE:A.P. Absolument. Si les utilisateurs demandent une ergonomie avancée, le coût du point de fonction va augmenter. De 30% par exemple entre le bon vieux 3270 et les interfaces graphiques actuels. Cependant, l'introduction d'une nouvelle ergonomie pour les utilisateurs s'accompagne souvent de l'acquisition de nouveaux outils de développement. Les mesures nous permettront, à terme, de déterminer les bases de productivité en prenant tous ces facteurs en compte. Certaines entreprises ont maintenant une expérience de plusieurs années qui leur permet de faire chaque année quelques mesures par sondage dans leur portefeuille.

@INTERVIEW QUESTION:Voyez-vous des limites à leur utilisation?

@INTERVIEW REPONSE:A.P. Les points de fonction contredisent la culture des informaticiens, qui se croient encore trop souvent dans un domaine artistique. Il faut donc d'abord les convaincre. Et comme l'outil n'a pas encore atteint la perfection, la direction doit faire preuve d'une certaine constance.

@SIGNATURE:Propos recueillis par Pierre Berger