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MANAGEMENT

BOITE A IDEES

@TITRE:Un second souffle pour le management américain

@CHAPO:La mode du BPR retombe. De nouveaux concepts tentent de percer. Petite promenade dans les best-sellers du management américain.

@TEXTE:Première impression en visitant une bonne librairie américaine, à Chicago par exemple: il souffle un air nouveau, plutôt rafraîchissant, après la brutalité prescrite par Hammer et Champy avec leur Business process reengineering. James Moore annonce tout de go "la mort de la compétition". Ian Morrison propose de rejoindre "la seconde courbe". Et un grand ancien comme John Galbraith va même jusqu'à prôner "la bonne société". Les cow-boys passeraient-ils la main aux séducteurs?

@INTER:Sous la plage, les pavés

N'en demandons tout de même pas trop. L'Amérique n'est pas prête à céder aux bons sentiments. "La bonne société ne cherche pas l'égalité des avantages économiques", réaffirme Galbraith. Qui écrit clairement ce que la Bourse américaine indique tous les jours: il faut choisir entre l'emploi et l'inflation. Autrement dit, le chômage est une nécessité.

Quant à la compétition, elle ne fait que s'intensifier, assène Moore en contredisant son titre provocateur dès la troisième page. Elle ne fait que changer de cadre: hier il s'agissait de gagner dans un écosystème déterminé, maintenant il faut changer l'écosystème.

La seconde courbe de Morrison, enfin, n'affronte pas les problèmes des minorités et du racisme avec la violence de la "Bell Curve" d'Herrnstein et Murray (The Free Press, 1994). Mais elle vise à gérer "la vitesse du changement" en passant au moment opportun des entreprises classiques, dont la courbe commence à décliner, à de nouveaux projets en phase de croissance.

@INTER:Un vent nouveau, mais difficile à saisir

@TEXTE:Ne sous-estimons cependant pas l'audace innovative de cette nouvelle vague. A une époque où l'ultra-libéralisme fait recette, Galbraith prend quelques risques à insister aussi lourdement sur l'importance de l'Etat et de ses interventions, sur l'urgence de rénover la démocratie et, pour parler à la française, de "réduire la fracture sociale" aussi bien au niveau national que mondial.

Les "écosystèmes" de Moore intéresseront plus directement les informaticiens. Leurs fournisseurs habituels viennent constamment illustrer le propos: IBM, Microsoft et Netscape bien sûr mais aussi AT&T, Apple, Tandy... avec de substantiels développements sur Intel. Et l'ordinateur sous toutes ses formes est une composante majeure et un moyen essentiel d'intervention dans les systèmes. Il faut une certaine audace, intellectuelle au moins, pour mettre au service de la compétition à l'américaine les concepts même d'une écologie trop souvent passéiste et viscéralement anti-technologique. En France, la systémique d'hier s'était traduite en informatique par la bien cartésienne méthode Merise. Moore ouvre de nouvelles pistes... mais ne va pas jusqu'à traduire ses réflexions en recettes pour DSI en mal de motivation. Une occasion à saisir pour de jeunes gourous!

Quant à Morrison, il parle d'informatique et d'Internet en particulier presque à toutes les pages. Président de l'IFTF (Institute for the future), il s'enthousiasme plus que les autres pour les nouvelles technologies. Le commerce électronique donne son moteur principal aux vecteurs de la "seconde courbe". Le vrai problème, pour lui, c'est que la plupart des entreprises doivent vivre sur deux "courbes" à la fois. Car les nouveaux marchés n'offrent pas plus de garanties de succès que les anciens. Il ne faut donc ni se crisper sur le passé, ni se jeter sans réfléchir sur les nouveaux créneaux. Tout le livre vise à faciliter cette navigation vigilante. On est loin des promesses sans nuances du BPR, avec ses résultats "drastic" et "tremendous"! Aucun de nos auteurs ne nous propose de slogan facile ni de solution miracle. Ils nous laissent tous face à l'ardente obligation de réfléchir malgré une conjoncture toujours plus démente. Dur dur!@SIGNATURE:PIERRE BERGER

@NOTE:(*)Voici les références des ouvrages analysés. Pour faciliter leur commande, car ils ne sont sans doute pas faciles à trouver en France, nous indiquons leur numéro ISBN.

John Kenneth Galbraith: The good society. Houghton Mifflin Company. ISBN: 0-395-71328-5.

James F. Moore: The death of competition. Harper Business. ISBN: 0-88370-809-0. Site Web de l'éditeur:http://www.harpercollins.com.

Ian Morrison: The second curve. Ballantine Books. ISBN: 0-345-40541-2. Site Web de l'éditeur: http://www.randomhouse.com

@LEGENDE

Galbraith: un libéralisme à visage humain

Moore: l'écologie au service du business

Morrison:surfer sur les deux vagues à la fois