@SURTITRE:INFORMATIQUE SCIENTIFIQUE

@TITRE:Le CEA décentralise massivement

@CHAPO:Pionnier du downsizing et des réseaux locaux interconnectés, le Commissariat à l'énergie atomique généralise l'architecture client-serveur, tout en concentrant sur un seul site (Grenoble) ses supercalculateurs massivement parallèles.

@TEXTE:Le budget du CEA (Commissariat à l'Energie Atomique) s'élèverait en 1993 à 18 milliards de F, dont 40 % sont consacrés à la masse salariale (18 000 personnes). Depuis 1989, ces recettes sont ainsi passées en dessous de la barre des 20 milliards de F en raison notamment de la baisse des budgets militaires. La part du financement du ministère de la Défense représente en effet depuis trois ans moins de la moitié des recettes totales.

Le Commissariat vit à l'heure des économies. Depuis 1989, son budget global est passé sous la barre des vingt milliards de francs. En raison notamment de la baisse des budgets militaires. L'informatique représente le nerf de la recherche scientifique et technique. Elle emploie 5,5 % du budget total. Pas question donc, d'échapper pas aux mesures de rationalisation.

Pour accélérer la cadence, Pierre Chavy, directeur informatique, refuse de s'inscrire dans le cadre d'un schéma directeur classique et préfère parler de schéma d'évolution. "Je n'aime pas le terme schéma directeur, explique-t-il, car avant d'être entièrement approuvé par les directions concernées, et car cela peut prendre un an, il est déjà obsolète. Alors que lorsque je présente un schéma d'évolution, je fais en sorte que la décision soit prise dans les six mois afin de coller à l'évolution technologique. Surtout lorsque l'on sait que les processeurs en sont arrivés à doubler de puissance tous les 14 mois...".

@INTER:Le premier grand downsizing français

@TEXTE:Pionnier des grands organismes à pratiquer le "downsizing", il s'y est lancé avec une décentralisation des ressources informatiques qui remonte à1987, année de la création de la direction informatique. Il s'agissait de tirer parti de la puissance de traitement des super calculateurs Cray et de grands systèmes Bull et IBM situés sur cinq sites différents : Paris, Saclay, Fontenay, Cadarache et Grenoble. Pierre Chavy, directeur de l'informatique, commente: "Il y a sept ans, nous n'avions décentralisé que 10 % de notre informatique. Nous avons atteint 50%. D'ici à deux ans, nous visons un objectif de 30%".

Deux mille terminaux passifs (IBM, Bull et Digital) se sont effacés progressivement devant les stations de travail pour le calcul scientifique et les micro-ordinateurs (PC sous Windows) pour les applications de gestion. Les terminaux X s'y ajoutent en nombre croissant. Le réseau, réalisé au départ par Cisi Télématique, a donné le coup d'envoi de cette informatique "départementale". Quelque 250 réseaux locaux communiquent par l'intermédiaire de CEAnet. Ils peuvent aussi se relier par Renater*.

Toute nouvelle application de gestion se développe en mode client-serveur sans reprise de l'ancien logiciel sur mainframe. Par exemple, une base de données unique (gestion du personnel, production, finance, achats, etc) est opérationnelle depuis plus de 2 ans. A l'origine développées sous DB2, elle a été entièrement réécrites pour Sybase sur plate-forme Sun/Unix.

Cinq serveurs sont dans ce cas. "Seule une architecture client-serveur permet de déporter sur les clients le maximum de fonctions: capacités d'interrogation, de mise en forme et de traitement. Mais au regard du nombre de clients, nous avons mis en place une vingtaine de serveurs-image dits 'sectoriels', chargés quotidiennement à partir de ces serveurs centraux."

@INTER:Abandonner à terme X25 pour TCP/IP

@TEXTE:Cette rapidité d'évolution a permis de passer dès 1990 de l'ère des réseaux locaux interconnectés en X25 à celui du client-serveur s'appuyant sur le protocole TCP/IP, qui concerne

maintenant une dizaine d'applications. Cette mutation s'est traduite par le passage salutaire à plus de un mégabit par seconde.

L'organisme est d'ores et déjà décidé à abandonner complètement X25. Car "ce protocole a peu d'avenir, sauf peut-être en France quand les routeurs sont dotés de processeurs Risc". Il est en outre jugé trop complexe et redondant pour les hauts débits. TCP/IP, au contraire, convient à la gestion de réseaux à haut débit de type Ethernet à deux ou dix mégabits/seconde, interconnectés par des routeurs. A ce rythme, se dessine déjà dans la perspective du gigabit par seconde (en débit). Qui ira de pair avec le téraflops (en opérations) que le massivement parallèle place maintenant dans un avenir proche.

@INTER:Le massivement parallèle, même en gestion

@TEXTE"Le parallélisme, devenu incontournable en recherche, " affirme Pierre Chavy, "le sera à terme en gestion. Si nous avions des bases de données plus importantes, nous adopterions le parallélisme car on a intérêt aujourd'hui à centraliser les données pour être sûr de leur cohérence". Déjà rompu au massivement parallèle pour le calcul scientifiques, le Commissariat s'intéresse donc au "parallélisme d'entreprise" que préfigure l'IBM/SP1 à seize processeurs Risc (un "cluster" de RS/6000) installé à Saclay.

La puissance offerte par le parallélisme et le débit des réseaux permet de concentrer, depuis le début de l'année, ses nouveaux super calculateurs sur un seul site, celui de Grenoble. Il a accueilli en janvier la dernière acquisition: un Cray C90 à trois processeurs. Il recevra en juin un Cray T3D-128 massivement parallèle. Cependant le YMP et le T3D de la Direction des applications militaires au centre de Limeil resteront en dehors du mouvement.

Développant 3 gigaflops d'opérations par seconde grâce à ses 3 processeurs, le C90 remplace les trois anciens modèles, qui développaient ensemble à peine 1,8 gigaflops avec 7 processeurs... Cela se traduit par l'abandon des calculateurs XMP, XMP 2 sur les sites de Cadarache (fin janvier) et Saclay (fin mars), ainsi que l'arrêt d'un Cray 2 à Grenoble (début avril). Pour la gestion, la rationalisation touche également les trois DPS 7000 des centres de Cadarache, Saclay et Grenoble : deux d'entre eux (Cadarache et Grenoble), viennent d'être arrêtés.

@INTER:La réelle autonomie des départements

@TEXTE:Résultat : le budget informatique des sites centraux a été réduit de plus d'un tiers. Il a en revanche augmenté au niveau de l'ensemble des sept directions opérationnelles pour représenter maintenant plus de la moitié du budget informatique total. Dès lors, en raison de l'autonomie budgétaire accordée aux départements, la direction informatique ne gère plus en direct que 220 millions de F, sur un total de un milliard.

"L'informatique décentralisée coûte désormais plus cher que l'ancienne informatique centrale", reconnaît pour conclure Pierre Chavy, "mais elle offre des services incomparables". @SIGNATURE:CHARLES DE LAUBIER

@NOTE:(*) Renater (Réseau international de télécommunications pour la recherche et la technologie), qui fonctionne depuis le début avec TCP/IP, a été avec EDF le premier réseau à bénéficier fin 1993 du service ATM/Transrel de France Télécom allant de 2 à 25 Mbits/s. Renater, créé par le CEA, le Cnes, le CNRS, EDF, l'Inria et l'Enseignement supérieur est également relié à Rerif (réseau pour la recherche en Ile-de-France), Aramis (Rhône-Alpes), R3T2 (région Paca) ou encore Vinkman (Basse-Normandie).

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Parties facultatives à ré-intégrer dans le texte principal si l'ensemble était trop court.

Par exemple, le CEA a été le tout premier grand groupe en 1992 à décider rapidement l'abandon des 386 au profit des tout nouveaux 486. Et Pierre Chavy d'ajouter : "Nous nous préparons maintenant à évoluer vers le Pentium lorsque les PC seront proposés à 10 000 F, dans moins d'un an peut-être".

Ainsi peuvent se connecter sur chacun des 20 près de 1200 utilisateurs (dont plusieurs centaines simultanément) équipés de Windows 3.1 et des outils de développement L4G Objet-View (pour les développeurs) et Business-Objet (pour les utilisateurs). Si les cinq serveurs centraux sont sous Unix (Sun/OS), les serveurs-images, eux, fonctionnent avec Sybase SQL Server sous OS/2 en attendant d'évoluer vers Windows NT (NDLR: Sybase SQL Server 10 et Microsoft SQL Server font actuellement l'objet d'un renforcement de compatibilité sous Windows NT).

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Premier encadré

@ENCADRE TITRE:LE CEA SOUS-TRAITE A MOITIE A CISI/ATHESA

Le CEA dispose de plusieurs contrats de sous-traitance. Lorsqu'il s'agit de facilities management, les contrats gérance d'exploitation pour l'activité civile (car le CEA est entièrement propriétaire de ses équipements informatiques) reviennent à Athesa. Filiale créée fin 1993 à part égale par Bull et Cisi, Athesa a ainsi hérité de Cisi de contrats représentant un montant de près de 70 millions de F.

Lorsqu'il s'agit de contrats de développement, cette fois, Cisi (le CEA détient toujours 64 % du capital de Cisi) est mis à contribution au même titre que d'autres SSII comme Syseca, Cap Sesa, Inforsud, Présence Informatique ou encore EDS. "Dans tous les cas, indique Pierre Chavy, directeur informatique du CEA, Athesa ou Cisi ont comme les autres intervenants des obligations de résultats et nous restons entièrement maître d'ouvrage. Jusqu'en 1985, Cisi a profité, voire abusé d'un certain monopole avec le CEA. Après ce que l'on peut appeler un divorce à l'amiable, il nous fallait développer des compétences au sein du CEA pour définir nos cahiers des charges sans la Cisi".

Ainsi, la moitié des prestations est aujourd'hui confiée pour moitié à Athesa ou Cisi, l'autre moitié revenant à d'autres prestataires extérieurs. Et le CEA ne représente plus que 20 % du chiffre d'affaires de Cisi.

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Deuxième encadré

@ENCADRE TITRE:LE CERN AUSSI

@ENCADRE TEXTE:Le CERN (Laboratoire européen de physique des particules), à Genève, se prépare lui aussi à dire "Adieu à l'informatique lourde". Le système VM fait encore partie de l'environnement de travail quotidien, avec quelque 15000 bandes montées par semaine et un millier d'utilisateurs connectés en période de pointe.

Mais ce système sera déchargé de la plus grande partie du traitement des données scientifiques d'ici à la fin de l'année. Un processeur plus petit assurerait un service général interactif pendant les années 1995 et 1996. A partir de 1997, tous les utilisateurs devraient être passés à de nouveaux services interactifs accessibles à partir de machines de bureau.

Le transfert de l'analyse des données de physique vers des grappes de postes Unix est en cours. Baptisée Shift (Scalable heterogeneous integrated facility), la nouvelle architecture englobe 25 ordinateurs et 700 giga-octets sur disques, interconnectés apr un réseau à un gigabit par seconde, assure un traitement "de cinq à dix fois plus économique". (D'après David Williams, Courrier CERN, avril 1994).