LES COMPTABILITÉS INFORMATISÉES

& LE CONTRÔLE FISCAL

L'article 103 de la loi de finances pour 1990 portant sur le contrôle des comptabilités informatisées a modifié le précédent cadre juridique de ce contrôle. Quelles sont aujourd'hui les dispositions prises par la Brigade de vérification des comptabilités informatisées (BVCI) pour appliquer cette loi ?

Le contrôle fiscal des comptabilités informatisées a évolué. Attention au risque qui résulte de la non-présentation des données, documentations et traitements informatiques : elle constitue une opposition à contrôle fiscal et peut entraîner une taxation d'office.

Couverte par un texte fort redoutable pour les entreprises, la Direction générale des impôts s'est engagée à rester raisonnable dans l'application de cette réglementation.

Toutefois, les premières notifications qui sont apparues sur le “marché” du contrôle fiscal sont claires sur les intentions exprimées : s'il n'y a pas de sanction immédiate, rendez-vous est pris pour un contrôle ultérieur ; si l'entreprise n'apporte aucune amélioration à son système comptable informatisé, sa bonne foi ne pourra être évoquée.

Faut-il adopter la politique de l'autruche ou faire face à la dure réalité ? Mais que dire de l'applicabilité de la loi dont il est question ?

Autant dire que toutes ces questions, tout le monde se les pose et les réponses ne sont pas simples.

1 - Mise en place du décor

L'étendue et les modalités techniques du contrôle des comptabilités informatisées avaient été définies par l'article 103 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989. Les dispositions qui en résultent s'appliquent aux entreprises industrielles, commerciales, agricoles et libérales, quels que soient la nature de l'activité ou le régime d'imposition, à l'exclusion des entreprises relevant du régime forfaitaire des bénéfices agricoles.

Depuis cette loi de finances, deux arrêtés et une instruction sont venus compléter les mesures concernant ce type de contrôle. L'instruction du 14 octobre 1991 précise notamment que la vérification peut être effectuée soit sur le matériel de l'entreprise par les agents de l'administration fiscale ou par l'entreprise sous leur contrôle, soit sur du matériel n'appartenant pas à l'entreprise à l'aide de copies de fichiers fournies par cette dernière.

Dans ce dernier cas, les copies de fichiers devront être remises en format ASCII sous MS/DOS pour tous les micro-ordinateurs et en format ASCII ou EBCDIC sur bande magnétique pour les autres. La présentation de ces fichiers est précisée par un arrêté d'application en date du 13 septembre 1991.

Ces nouvelles dispositions d'investigations données aux agents de l'administration sont maintenant codifiées sous l'article L47A du Livre des procédures fiscales. L'article L74 de ce même livre confirme que l'évaluation d'office pourrait être appliquée en cas d'opposition à la mise en œuvre du contrôle dans les conditions visées à l'article L47A.

Certes, la mise en œuvre d'une évaluation d'office sera requise “lorsque l'attitude du contribuable s'analysera comme un refus de contrôle”, mais cette appréciation reste trop subjective pour ne pas s'en prémunir.

2 - Une enquête alarmante

Après ce rapide tour d'horizon sur les modalités du nouveau contrôle fiscal des comptabilités informatisées, examinons à présent une enquête qui a été menée auprès d'un panel de grandes entreprises. Rappelons que ces grandes entreprises sont à même de connaître plus facilement les lois, la formation de l'encadrement administratif, comptable et financier étant en règle général supérieure à celle des cadres des PME/PMI.

Une entreprise sur trois environ détient un dossier utilisateur “maison”. Trois entreprises sur quatre pensent avoir la totalité de la documentation de son fournisseur de logiciel, alors que seulement un petit peu plus de la moitié de ces entreprises ont pris connaissance de la loi de finance pour en analyser les incidences.

Les entreprises, dans la majorité des cas, attendent de leur société de services, et à l'initiative de cette dernière, la mise à leur disposition d'outils pratiques prêts à l'emploi pour un meilleur respect de la loi.

Dans l'ensemble, les entreprises n'ont pas bien mesuré l'ampleur des incidences d'un contrôle fiscal des comptabilités informatisées ou attendent trop, peut-être, de leurs fournisseurs qui ne sont pourtant pas des spécialistes en matière fiscale.

3 - L'application de la loi dans les faits

Quelques contrôles de comptabilités informatisées ont été exercés ici ou là. Le Conseil supérieur en a eu connaissance grâce à la générosité de quelques experts-comptables ou commissaires aux comptes. Ces contrôles n'ont pas donné lieu à sanction mais toutes les conditions étaient réunies pour caractériser une opposition au contrôle fiscal.

Rendez-vous est pris pour les prochains contrôles. Il sera plus difficile voire impossible de prouver la bonne foi si aucun changement n'est apporté aux systèmes informatisés de gestion comptable.

Il manquait le détail des factures

et les écritures lettrées avaient disparu

Le premier exemple réel porte sur une société qui utilise un logiciel de comptabilité “qui intègre des fonctionnalités de facturation (magasin et atelier), de gestion de stocks et de comptabilité générale. Ce logiciel présente les particularités suivantes :

les factures magasin et atelier sont intégrées automatiquement en comptabilité générale. Toutefois, le détail de ces factures (entête et lignes) n'est plus disponible en interrogation dès qu'une édition est faite. Ce détail est apparemment stocké dans un fichier historique qui est épuré physiquement à chaque clôture mensuelle.

en matière de comptabilité générale, le logiciel fait disparaître physiquement les écritures lettrées à l'issue des clôtures mensuelles.”

Il s'agit là de l'application de l'article L13 du Livre des procédures fiscales, qui précise que “l'étendue du contrôle des comptabilités informatisées porte sur les informations, données et traitements informatiques qui concourent directement (ici la fonction comptable) ou indirectement (en l'occurrence la fonction facturation) à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le Code général des impôts...” ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements.

En ce qui concerne l'épuration physique des données, la notification précise que “par le 2ème alinéa de l'article L 102B du Livre des procédures fiscales, que ces informations, données et traitements sont conservés sur support informatique pendant une durée égale au délai prévu à l'article L 169 de ce même livre”, c'est-à-dire trois ans qui correspond au délai de reprise de l'Administration.

En quelques lignes et en appliquant deux articles du Livre des procédures fiscales seulement, il est facile de constater l'étendue du contrôle.

Les sauvegardes étaient mal faites

Poussant plus loin ses investigations, la BVCI relève que “la société n'effectue pas de sauvegarde sur support magnétique des données avant épuration.

En effet, un inventaire précis des sauvegardes détenues par l'entreprise sur la période vérifiée a été effectué. Il comprend :

quelques sauvegardes de fin de mois,

quelques sauvegardes de fin de journée,

des sauvegardes en vrac de spool d'imprimantes, de sécurité de fichier, d'à nouveau définitif.

Ces sauvegardes ne sont donc pas complètes sur la période vérifiée et techniquement les utilisateurs ne peuvent pas les charger en vue de leur exploitation.”

La BVCI recherchait un chemin de révision

La notification précise en outre que, “par conséquent, ces remarques conduisent à recommander à l'entreprise de sauvegarder en totalité les données et les traitements (versions de programmes) gérés par le logiciel de comptabilité et ce, avant toute épuration de données et avant tout cumul d'écritures.

L'entreprise, pour respecter le principe d'irréversibilité des écritures comptables et pour respecter ses obligations en matière de sauvegarde sur support magnétique doit permettre un chemin de révision informatique complet en présentant des sauvegardes complètes et utilisables.”

Les premières conclusions

Avant même de procéder à une quelconque vérification des données elles-mêmes, l'administration a déjà jeté les premières conclusions dans la notification, conclusions que voici.

“La non-présentation des informations, données et traitements informatiques, constitue une opposition à contrôle fiscal au sens de l'article L 74 du Livre des procédures fiscales lorsque l'attitude du contribuable s'analyse comme un refus de contrôle.

Dans ce cas, les bases d'imposition sont évaluées d'office et les articles 1730 et 1755 du Code général des impôts s'appliquent.”

Il manquait toujours le détail des factures

Le deuxième exemple porte également sur la conservation des informations. Il semble que l'entreprise ait déjà mis en place une procédure adaptée. Les “attendus” de la notification sont les suivants.

“Les conditions de conservation dans l'entreprise des données de la facturation clients et fournisseurs appellent une restriction.

L'entreprise n'a pas conservé sur support magnétique les fichiers suivants :

fichier F.TJOUR des lignes de factures de vente concernant l'exercice 1990,

fichier BL84 issu de la validation des lignes de factures d'achat pour les deux exercices 1990 et 1991.”

Rien n'est laissé au hasard, même pas le détail de la centralisation des informations commerciales en amont des traitements comptables (“...qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables...” Art. L.13).

Des notifications qui font réfléchir

Ces deux notifications, si elles ne débouchent pas directement sur des sanctions, doivent faire l'objet d'un contentieux pour bien marquer les limites d'applicabilité de la loi.

4 - Quels sont les difficultés rencontrées ?

Le coût est un élément non négligeable

Un chiffrage effectué dans une grande entreprise couvrant les applications de paie, de gestion comptable et d'immobilisations a pu être effectué à la fin de l'année 1993 (la gestion commerciale, des stocks et de production n'a pas fait l'objet d'un chiffrage financier puisque gérée par des unités de production géographiquement éloignées).

Ce chiffrage concernant la conservation des données, des programmes, du périmètre de travail sur trois ans et l'année en cours, permettant de reconstituer le cadre technique de travail et l'environnement logiciel, les conditions d'exploitation et la reconstitution dans la version de l'époque, représente en 1993 un coût approximatif de 25 700 000 F.

Une solution “light” avait également été calculée. Chiffrée à 85 000 F, ce qui est peu, mais forte de 3 231 bandes magnétiques, cette solution n'a pas été vérifiée pratiquement afin de s'assurer du résultat de l'exploitation des données et de l'exhaustivité du traitement : la vérification du chemin de révision de bout en bout et le système de sauvegarde semblent présenter quelques défaillances.

Interrogée sur ce problème, l'administration fiscale fait savoir que ce coût n'est pas de leur fait puisque l'entreprise aurait dû déjà avoir mis en place une telle solution ne serait-ce qu'en vertu du Code de commerce, du droit comptable et en application des vertus élémentaires d'organisation et de sécurité.

La réadaptation rapide des programmes

Pour s'assurer de la réalité du résultat fiscal, la Direction des impôts recherche et veut surtout imposer la piste d'audit. Il n'y a pas qu'elle, d'ailleurs, qui recherche cette piste. N'est-ce pas le souhait des commissaires aux comptes et des auditeurs ?

Il faut donc couvrir impérativement cette demande.

La sauvegarde ou l'archivage des données doit être organisé de telle façon que les informations puissent être retraitées ultérieurement par la même chaîne informatique et dans des conditions d'exploitation reconstituées.

Là encore, cette obligation doit être respectée bien que techniquement aucun système ne permette de garantir que les conditions d'exploitation reconstituées a posteriori soient bien les mêmes que celles effectivement utilisées à cette époque.

L'archivage des copies des programmes et leur environnement technique doivent également être correctement traités. La Direction générale des impôts admet toutefois un certain seuil de tolérance en cas d'importantes migrations. Comment, dans ce domaine, peut-on apprécier un seuil de tolérance ?

Dans le cas particulier des bases de données, où la sauvegarde journalière ne paraît pas réaliste, il faut avoir pour principe directeur d'être capable de reconstituer l'information et son traitement. Cette idée, au demeurant très intéressante, demande une gestion très fine des modifications apportées aux structures de données.

Mais comment l'appliquer en cas de réseau ?

Comment être sûr que toutes les modifications, créations, suppressions, enrichissements, dégradations, scissions et fusions de fichiers, seront encore visibles à la seconde près dans deux ou trois ans ? Car l'archivage dans ce domaine ne peut se contenter d'être statique. Une base de données prend toute sa valeur par la vie active qu'elle mène : une information qui la compose prend toute sa valeur à un instant T ; à T-1, elle n'est que provisoire en attente d'une confirmation, encore inutilisable ; à T+1, elle n'est plus intéressante car la plupart du temps elle disparaît au profit d'une autre. Comment archiver une base vivante ?

Bien entendu, ces réflexions s'appliquent aussi bien pour les applications de gestion comptable que pour celles qui l'alimentent. Ce n'est pas seulement la centralisation de la facturation qu'il faut conserver mais également tous les éléments de détail qui ont permis la centralisation ou l'agrégation des données en amont.

La consultation aisée des données

Les entreprises semblent préférer la deuxième des trois modalités de contrôle suivantes :

vérification sur le matériel utilisé par l'entreprise par des agents de l'administration fiscale,

vérification sur le matériel utilisé par l'entreprise par le contribuable sous le contrôle des agents de l'administration fiscale,

vérification sur du matériel n'appartenant pas à l'entreprise à l'aide de copies de fichiers fournies par ce dernier.

Cette préférence permet à l'entreprise de conserver la maîtrise de son système informatique - et des demandes de l'administration - ainsi que de la portée, du champ et des modalités du contrôle. Elle peut planifier également les travaux de l'administration pour ne pas perturber le fonctionnement de l'entreprise, la condition à respecter étant le respect d'un délai préalablement convenu contradictoirement.

La première modalité, moins demandée par l'entreprise, est, il est vrai, dangereuse d'application pratique mais demande à être explorée.

Dangereuse en raison d'anomalies qui peuvent survenir à la suite de manipulations risquant de gêner ou d'interrompre l'exploitation courante de l'entreprise.

Au regard de la loi de 1988 sur la fraude informatique, si les contrôles ainsi opérés entraînent une “introduction, une suppression ou une modification involontaire de données”, quelle serait l'attitude de l'Administration qui, en cas de maladresse, aurait détérioré le système du contribuable contrôlé ?

Faut-il “archiver” le matériel ?

Comme cela a été dit précédemment, un certain seuil de tolérance est accepté si l'entreprise fait d'importantes migrations. La question est de savoir où se situe ce seuil et, tout d'abord, de quel seuil il s'agit ?

À partir de quand l'entreprise, qui va prendre une décision pour améliorer une performance, s'échappe-t-elle du domaine de la modification mineure par l'adjonction de fonctions supplémentaires, incorporant un matériel complémentaire par exemple, pour rentrer dans le domaine de la migration vers un autre programme ou un autre système ?

Les consignes données aux BVCI en cas de modification sensible de l'environnement informatique ne sont pas codifiées. Ces consignes précisent que l'entreprise produit dans ce cas :

soit des copies de fichiers répondant aux normes de l'arrêté du 13 septembre 1991,

soit une conversion et une compatibilité des fichiers avec le système existant lors du contrôle.

La Direction des impôts considère donc que les changements de système ne sont pas une excuse : l'entreprise est responsable de la restitution, sous une forme ou une autre, des données soumises au contrôle.

À noter quand même, et c'est un point important, que seules les données sont concernées. On ne parle plus de l'ancien système informatique ni de la documentation des programmes.

Qu'entend-on par documentation ?

À l'heure où toutes les études portent sur la dématérialisation des données ou des informations, le “sans-papier”, il peut paraître anachronique de parler encore et toujours de la documentation des systèmes informatiques, d'autant que personne ne s'entend véritablement sur le contenu d'une “bonne documentation”.

Une réflexion sur ce sujet a été menée au sein d'un groupe de travail du Conseil national de la comptabilité. L'Ordre des experts-comptables ainsi que la Direction des impôts, qui avaient sollicité la création de ce groupe, avaient proposé un objectif : harmoniser les textes réglementaires avec la transmission sous certaines conditions des factures par voie télématique, et, d'une manière plus générale, avec les orientations qui se dégageaient des études de dématérialisation. La comptabilité comme les autres fonctions du système économique de l'entreprise n'échappait pas à cette évolution.

Deux catégories de documentation sont prévues par les textes comptables :

Le décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983 qui prévoit l'établissement et la conservation par l'entreprise d'un document décrivant les procédures et l'organisation comptables, l'objectif recherché étant de permettre une compréhension plus rapide du système comptable mis en place, que ce dernier soit informatisé ou pas d'ailleurs.

Ce document n'existe presque jamais dans les entreprises. Cette absence est dommageable car elle ne permet pas d'assurer la pérennité de la compréhension de leur système comptable.

L'une des dispositions relatives à l'utilisation de traitements automatisés du Plan comptable général édicte que l'exercice de tout contrôle doit comporter droit d'accès à la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements.

Il s'agit ici de la documentation relative au fonctionnement du système informatique. Les sociétés de services ont beaucoup de réticence à fournir l'ensemble des documents de conception et les programmes sources.

En effet, l'auteur d'un logiciel jouit sur ce dernier d'un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.

À ces textes s'ajoute maintenant un texte fiscal, l'article L 102B du Livre des procédures fiscales. La documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements doit être conservée trois ans.

L'instruction du 14 octobre 1991 précise même en annexe II les documents qui constituent la documentation. Pour plus de détails, il convient de s'y reporter.

Bien que la documentation complète à conserver (incluant les sources) n'existe en pratique que dans peu d'entreprises, la Direction des impôts estime que l'effort de mise à niveau n'a pas qu'une portée fiscale.

Il serait bon en outre que la société de services puisse fournir dans le cadre d'un contrôle une assistance appropriée. Tout contrat d'acquisition d'une licence devrait d'ailleurs contenir une clause de ce type en cas de contrôle fiscal.

Des normes pour la documentation

Le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables est le premier institut au monde à s'intéresser de près aux techniques de l'échange informatisé de données (EDI). Il a mis au point quatre normes : plan de comptes, écriture comptable, balance et comptes annuels.

D'autres sont en cours d'élaboration. Il s'agit notamment des éléments du dossier permanent d'un client, du plan de regroupement des comptes pour obtenir des informations agrégées, du grand livre et de la demande de documents.

La mise au point de ces normes répond à un besoin impérieux : permettre la communication entre progiciels ou faciliter les reprises de fichiers en cas d'absorption, de fusion, de scission d'entreprises, voire en cas de cessation d'activité du concepteur du progiciel.

L'utilisation combinée des normes précitées permet de dissocier ce que, par convention, nous appelons la base de données comptables des programmes informatiques (logiciels, progiciels), ces derniers permettant de traiter la première pour obtenir la comptabilité :

journal,

grand livre,

balance,

comptes annuels,

déclarations comptables, économiques, financières ou fiscales,

etc.

Les premiers échanges comptables entre systèmes comptables totalement incompatibles ont été réalisés avec succès confirmant la pertinence de la démarche entreprise par l'Ordre depuis 1989.

Ainsi, plus rien ne s'oppose à ce que les archives de la base de données comptables soient exploitées ultérieurement par un système informatique complètement différent de celui qui a permis l'enregistrement de cette base.

De plus, la base de données comptables étant indépendante des programmes informatiques, plus rien ne justifie la conservation de la documentation de ces programmes, la consultation de leurs sources, etc. : avec n'importe quel logiciel ou progiciel, voire un simple gestionnaire de bases de données, la comptabilité peut être rétablie et revérifiée, les comptes annuels et les déclarations annexes reconstitués.

La DGI ne pourrait-elle pas prendre en compte ces nouvelles pistes pour repenser et adapter ses propres contraintes ?

La responsabilité des sociétés de services

Le rôle des sociétés de service n'est pas neutre en cas de contrôle fiscal de leur solution informatique implantée en entreprise. Toujours contourné, le débat sur la véritable responsabilité des sociétés de service en cas de vice de leurs progiciels, de produits non conformes à des normes (AFNOR, CEN ou autres) ou à des textes d'ordre législatif ou réglementaire, devra bien avoir lieu à un moment ou à un autre.

Pourquoi ? Parce que, aujourd'hui plus que jamais, tout se vend, à n'importe quel prix, à n'importe quelle condition. L'entreprise va-t-elle intenter un procès à une société de services qui vend un progiciel à 1 000 francs qui ne serait pas conforme à la législation française ? Non, bien sûr, la procédure serait bien plus coûteuse que le progiciel lui-même, sans compter le temps perdu et les désagréments qui accompagnent toujours ce genre de divertissement. Non, on en acquiert un autre : solution bien plus rapide, bien plus économique et beaucoup plus efficace. C'est ainsi que perdurent sur le marché quantités de progiciels ou de logiciels qui se prétendent progiciels.

Il faut s'assurer que la société de services

peut fournir une aide en cours de contrôle fiscal

L'article L.13 du CGI prévoit que le contrôle fiscal peut porter “sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements”. Hélas, dans la majorité des cas, l'entreprise ou le cabinet, à part la documentation utilisateur, ne dispose pas d'une telle documentation. Aussi, tous les regards se sont portés bien naturellement sur les sociétés de services qui, elles, détiennent de tels documents (en disposent ou devraient en disposer).

Par un effet indirect, les sociétés de services (en tout cas, le dernier vendeur du progiciel) deviennent tout d'un coup responsables d'une information à leur client : la société de services doit une assistance à son client notamment sur les informations que ce dernier ne peut détenir.

Cette assistance doit être prévue dans le contrat initial de vente même si ce contrat n'est matérialisé que par une simple facture : la société de service doit s'engager à offrir (gratuitement ou non) l'aide suffisante et nécessaire pour répondre aux demandes de la BVCI. L'assistance porte aussi bien sur les progiciels comptables que ceux qui concourent indirectement à produire les informations qui alimentent la comptabilité. Il en va ainsi notamment pour les progiciels de facturation, de paie, d'immobilisations, de gestion de temps, et pourquoi pas, dans certains cas, de gestionnaires de bases de données (voir ci-dessous).

Cette assistance peut aussi être prévue dans le cadre de contrats d'entretien ou de maintenance.

Dans un cas comme dans l'autre, il est prudent de s'assurer dès maintenant, pour le cabinet comme pour les clients du cabinet, que de telles dispositions sont prévues (ce qui est rarement le cas).

Ces dispositions ne peuvent trouver à s'appliquer que pour les progiciels vendus après la date d'application de la loi (si l'on en croit les extraits de notifications ci-dessus, à partir des exercices ouverts à compter de janvier 1990).

Mais si l'entreprise, ou le cabinet, modifie sensiblement son environnement informatique, la loi s'appliquerait aux exercices ouverts à compter d'octobre 1991 puisque ce n'est qu'à partir de cette date que les dispositions pratiques de descriptions de fichiers sont connues.

Anciennes versions de progiciels : la responsabilité

des sociétés de services est-elle engagée ?

Cette question n'a jamais été abordée jusqu'à présent dans la littérature professionnelle. Pourtant son importance n'est pas à négliger. En effet, qui n'a pas eu l'occasion de trouver des “vieilles” versions de progiciels connus dans les entreprises ? Le progiciel répondant toujours aux besoins de l'entreprise (ou du cabinet), pourquoi le changer ?

Les versions de ces progiciels achetées avant janvier 1990 (ou octobre 1991) qui ne seraient pas conformes à la législation fiscale après l'application desdits textes, échappent complètement au contrôle des sociétés de services et donc, ces dernières ne sauraient être tenues responsables de la non-conformité de ces progiciels à la nouvelle législation.

Par contre, leur responsabilité est complètement engagée pour toutes les ventes survenues après les dates précitées.

Sur un plan pratique, dans le premier cas, le cabinet ou l'entreprise doit acquérir une version plus récente dudit progiciel. Dans le second cas, la société de services doit être invitée à mettre en place les outils nécessaires au respect de la législation, ces outils pouvant être aussi bien des fonctions supplémentaires du progiciel que des programmes additifs. Bien entendu, l'antériorité ne doit pas être oubliée : ce sont tous les fichiers depuis janvier 1990 (ou octobre 1991) qui doivent pouvoir être “convertis” ou “reconstitués” et documentés.

Si la société de services ne s'exécute pas, il faut impérativement changer de progiciel : il appartient au professionnel de la comptabilité, et c'est de sa responsabilité, de vérifier que les progiciels qu'il utilise ou qu'il conseille sont conformes à la réglementation en vigueur au moment de l'achat.

Ce qui est nouveau pour les sociétés de services, c'est l'obligation de conserver la documentation, les sources, les programmes-objets de toutes les versions de progiciels commercialisées depuis 1990, et ce, pendant dix ans (non seulement pour les progiciels de gestion comptable, mais aussi, de facturation, de paie, etc.), sous peine de voir leur responsabilité fortement engagée.

Si la société de services disparaît entre-temps, quel sera le recours du cabinet ou de l'entreprise ? Voilà encore tout un aspect d'une catégorie d'interrogations non encore traitées. La Direction des impôts considérera-t-elle qu'il s'agit d'un cas de force majeure ou d'un problème que l'entreprise aurait dû logiquement prendre en compte pour assurer la pérennité de ses informations au cours de la période légale de conservation ?

Quel délai de conservation : 3, 6 ou 10 ans ?

Le tableau ci-après résume assez bien les différents cas qui se présentent à l'entreprise.

Rappelons toutefois que si l'entreprise est déficitaire, ce délai porte sur des années prescrites et le délai s'en trouvera rallongé d'autant (plusieurs arrêts de Conseil d'État vont dans ce sens).

Est-il moins coûteux de supporter une sanction fiscale

que de mettre en place une procédure onéreuse ?

La gravité de la sanction est disproportionnée : si le défaut de pièces justificatives n'entraîne qu'un redressement partiel, l'absence de comptabilité fait l'objet, elle, d'une sanction plus lourde, la taxation d'office ; l'absence de documentations ou l'inobservation d'un élément du dispositif ainsi codifié est-elle assimilable à une absence de comptabilité quand bien même celle-ci et les pièces correspondantes seraient intégralement produites ? Il semble bien qu'il faut répondre positivement.

DÉLAIS DE CONSERVATION


      INFORMATIONS À CONSERVER             Durées de conservation        

                                        3 ans       6 ans      10 ans (1)  

Informations   Livres et registres         Sur leur support original      
                   obligatoires                                           

 visées par               établis sur                                      
    les         Autres    support non         Sur tout support (2)         
   droits                 informatique                                     
généraux de                                                                

communicatio  documents   établis sur  Sur support                          
     n        ou pièces     support    informatique  Sur tout support (2)   
   et de                  informatique                                      
  contrôle                                                                  

     de      justificativ   ouvrant                              Sur tout   
l'Administra      es        droit à       Sur leur support     support (2)  
    tion                   déduction          original                      
                             de TVA                                         

             Autres informations                                           
             données ou traitements                                        
             informatiques non visés                                       
Informations ci-dessus mais               Sur                              
             concourant directement     support      aucune obligation     
supplémentai ou indirectement à la    informatiqu     de conservation      
    res      formation des résultats       e                               
  du fait    comptables ou fiscaux                                         
  qu'elles   et à l'élaboration des                                        
ont trait à  déclarations rendues                                          
l'informatiq obligatoires par le CGI                                       
     ue                                                                    

                  Documentation        Sur leur                            
                   informatique         support                            
                                       original                            



(1) Les documents comptables et les pièces justificatives sont conservés pendant 10 ans (Code de commerce art. 16).

Mais une durée illimitée est recommandée pour les livres et registres obligatoires compte tenu de leur intérêt documentaire.

En outre, rappelons que lorsqu'un document décrivant les procédures et l'organisation comptables est nécessaire à la compréhension du système de traitement et à la réalisation des contrôles, il est conservé aussi longtemps qu'est exigée la présentation des documents comptables auxquels il se rapporte (Code de commerce art. D1).

(2) Sur tout support (au choix de l'entreprise) : photocopies, listings, microfilms, microfiches, mais aussi sur support informatique : disquette, cartouche, bande magnétique, etc.

La Direction des impôts semble tempérer ces sanctions en recommandant à ses brigades d'intervention :

d'agir avec efficacité dans le sens d'une bonne qualité de diagnostic,

d'être pragmatique et réaliste,

avant de tirer des conséquences parfois sérieuses pour l'entreprise.

Une loi à deux vitesses

Pour des raisons de taille d'entreprises et de volume d'informations traitées, on retrouve là une loi à deux vitesses. Cette loi est très facile à appliquer pour les PME/PMI très vulnérables parce que leur taille est réduite, le volume d'informations à traiter plus facilement “maniable” ou “opérable” et les interlocuteurs moins au fait des subtilités (s'il y en a) des procédures de contrôle dans un milieu informatisé (c'est normal la procédure est toute “neuve”). Pour les grandes, par contre, la BVCI aura plus de difficultés à faire appliquer complètement la loi, les sanctions risquant d'être disproportionnées dans la situation économique actuelle.

Le sujet n'est pas totalement couvert, tant s'en faut. Mais l'attention du lecteur est attirée sur les points suivants :

la complexité de la mise en conformité du système informatique aux règles fiscales,

le temps et le coût qu'entraîneront ces modifications,

la relative complaisance actuelle de la BVCI lorsqu'elle relève les cas de taxation d'office,

le fait que les premiers arrêts de Conseil d'État n'apparaîtront pas avant une dizaine d'année au plus tôt et que d'ici là, beaucoup d'entreprises auront été contrôlées et seront au contentieux, mais sans que cela se sache, et c'est bien le problème de l'information des entreprises qui ne sont pas encore contrôlées,

enfin, la gravité du choix lorsque l'expert-comptable sera amené à conseiller à l'entreprise.

Il convient de prendre dès maintenant les mesures qui s'imposent.

Michel LESOURD