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Un entretien avec Hans Moravec.

Directeur du laboratoire de robotique à l'Université de Carnegie Mellon

"En 2030, les robots n'auront plus besoin des hommes".

 

Le Monde Informatique : Le robot, vieux rêve ou vieux cauchemar, va-t-il changer dans l'avenir ?

Hans Moravec : La fin de la décennie verra un changement majeur : on saura construire des robots "bons à tout faire". Des PC avec bras et jambes, en quelque sorte, capables de se déplacer. Pas très efficacement sans doute, mais suffisamment pour ne pas être limités à des surfaces planes, comme actuellement. Assez pour pouvoir monter et descendre un escalier, par exemple. Mais ces robots auront encore des limites. Ils manqueront de périphériques spécialisés, et surtout seront incapables de s'adapter à des événements comme la détérioration d'un de leurs membres.

Cette première génération aura vraiment bien des problème !

Dix ans plus tard la génération suivante sera beaucoup plus adaptables, mais sera encore très lente. Cependant, le marché se sera suffisamment élargi pour soutenir les gros investissements nécessaires pour la phase suivante.

La troisième génération se caractérisera par l'importance de ses connaissances à priorité, de son modèle interne du monde. Un robot de cette génération, s'il doit faire la cuisine, saura à l'avance qu il va y avoir des couverts dans des tiroirs De plus, avant de réaliser une opération, il en fera d'abord une simulation interne, de manière à détecter les collisions possibles. D'où une sorte d'apprentissage virtuel. Et aussi la possibilité de chercher des modèles dans les actions récemment accomplies.

A ce niveau, les "systèmes experts" raisonneront mieux que les humains mais seront encore déficients dans leur capacité de perception; Il leur faudra encore des humains... comme frontaux, en quelque sorte.

Ce dernier point pourra être considéré comme résolu en 2030 et alors les robots pourront remplacer les hommes à tous les postes de travail. Mais ils ne nous chasseront pas de la terre ! ils conquerront l'espace et nous laisseront notre bonnevieille planète. Une réserve naturelle, en quelque sorte.

Propos recueillis par Pierre Berger
Le Monde Informatique, 8 janvier 1990